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«Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance. Nos pensées se reportent alors vers ce monde où rien ne daignait s'actualiser, affecter une forme, choir dans un nom, et, où, toute détermination abolie, il était aisé d'accéder à une extase anonyme. Nous retrouvons cette expérience extatique lorsque, à la faveur de quelque état extrême, nous liquidons notre identité et brisons nos limites. Du coup, le temps qui nous précède, le temps d'avant le temps, nous appartient en propre, et nous rejoignons, non pas notre figure, qui n'est rien, mais cette virtualité bienheureuse où nous résistions à l'infâme tentation de nous incarner.»
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Syllogismes de l'amertume se présente sous l'aspect fragmenté d'un recueil de pensées, tour à tour graves ou cocasses. Rien pourtant de moins «dispersé» que ce livre. Du premier au dernier paragraphe, une même obsession s'affirme : celle de conserver au doute le double privilège de l'anxiété et du sourire. Alors que dans son premier essai, Précis de décomposition, Cioran s'attaquait à l'immédiat ou à l'inactuel avec une rage lyrique, dans celui-ci il promène sur notre époque, sur l'histoire et sur l'homme, un regard détaché où la révolte cède le pas à l'humour, à une sorte de sérénité dans l'ahurissement. Ce sont là propos d'un Job assagi à l'école des moralistes.
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«Mon idée, quand j'écris un livre, est d'éveiller quelqu'un, de le fustiger. Étant donné que les livres que j'ai écrits ont surgi de mes malaises, pour ne pas dire de mes souffrances, c'est cela même qu'ils doivent transmettre en quelque sorte au lecteur. Un livre doit tout bouleverser, tout remettre en question.»Cioran.
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«Toute idée devrait être neutre ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences : le passage de la logique à l'épilepsie est consommée... Ainsi naissent les mythologies, les doctrines, et les farces sanglantes. Point d'intolérance ou de prosélytisme qui ne révèle le fond bestial de l'enthousiasme. Ce qu'il faut détruire dans l'homme, c'est sa propension à croire, son appétit de puissance, sa faculté monstrueuse d'espérer, sa hantise d'un dieu.» Cioran.
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Manie épistolaire : Lettres choisies, 1930-1991
Emil Cioran
- Gallimard
- Blanche
- 15 Février 2024
- 9782073040206
«La lettre, conversation avec un absent, représente un événement majeur de la solitude. Cherchez la vérité sur un auteur plutôt dans sa correspondance que dans son oeuvre. L'oeuvre est le plus souvent un masque.» Sélectionnées parmi plusieurs milliers dans les archives personnelles de Cioran, les cent soixante lettres ici réunies, la plupart inédites, sont adressées à sa famille et à ses amis, en Roumanie puis en France, à ses pairs et à ses lecteurs. On y croise notamment Aurel, son petit frère séminariste, Mircea Eliade, Carl Schmitt, Jean Paulhan, François Mauriac, Maria Zambrano, Samuel Beckett, Armel Guerne, Roland Jaccard, Clément Rosset, mais aussi la «Tzigane», sa dernière histoire sentimentale. Lucides, ironiques, existentielles, elles composent entre dix-neuf et soixante-dix-neuf ans un autoportrait intime et intellectuel de l'auteur de Précis de décomposition, et révèlent le génie de Cioran pour un art épistolaire qu'il mettait au-dessus de tout.
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Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure où elle se crée des fictions, les entretient et s'y attache. S'emploie-t-elle à cultiver la lucidité et le sarcasme, à considérer le vrai sans mélange, le réel à l'état pur ? Elle se désagrège, elle s'effondre. D'où pour elle ce besoin métaphysique de fraude, cette nécessité de concevoir, d'inventer, à l'intérieur du temps, une durée privilégiée, mensonge suprême qui prête un sens à l'histoire, laquelle, regardée objectivement, ne semble en comporter aucun. Si l'homme antique, plus proche des origines, situait l'âge d'or dans les commencements, l'homme moderne en revanche allait le projeter dans l'avenir.Pour dynamique, pour positive qu'elle soit, la hantise de l'âge d'or n'en est pas moins redoutable : elle ne déchaîne les énergies d'une collectivité que pour mieux les enchaîner. Tout essor, tout excès met la liberté en péril, tout délire neuf s'achève en servitude.
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On ne peut vivre qu'à Paris
Emil Cioran, Patrice Reytier
- Rivages
- Bibliotheque Rivages
- 10 Mars 2021
- 9782743652326
Un livre illustré à partir des aphorismes de Cioran : il distille ses maximes en se promenant à Paris, l'unique ville où on peut vivre - « c'est la ville idéale pour rater sa vie ». Un aphorisme doit cingler comme une gifle, il faut qu'il soit écrit sous le coup de la fièvre pour devenir un moyen thérapeutique pour se soulager du poids du monde. Surnommé le Diogène du xxe siècle, tant par ses propos qui relèvent des cyniques que pour ses refus des honneurs, Cioran devient ici un personnage de bande dessinée, le Tintin de la philosophie.
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Pensées étranglées ; le mauvais démiurge
Emil Cioran
- Folio
- Folio Sagesses
- 5 Octobre 2017
- 9782072734250
«Le bonheur, c'est être dehors, marcher, regarder, s'amalgamer aux choses. Assis, on tombe en proie au pire de soi-même. L'homme n'a pas été créé pour être rivé à une chaise. Mais peut-être ne méritait-il pas mieux.» « Frivole et décousu, amateur en tout, je n'aurai connu à fond que l'inconvénient d'être né.» «Ces moments où l'on souhaite être absolument seul parce que l'on est sûr que, face à face avec soi, on sera à même de trouver des vérités rares, uniques, inouïes, - puis la déception, et bientôt l'aigreur, lorsqu'on découvre que de cette solitude enfin atteinte, rien ne sort, rien ne pouvait sortir.» «Nous sommes tous au fond d'un enfer dont chaque instant est un miracle.» Une pensée d'une exigence radicale, entre désespoir absolu et humour ravageur.
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Sur les cimes du désespoir est le premier livre écrit par Emil Cioran, pendant une période d'insomnie. Rassemblés sous forme d'aphorismes, on y trouve déjà ses thèmes de prédilection qui ont fait de lui le grand philosophe qu'il est aujourd'hui.
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Ce portrait inédit de la France fut écrit en 1941 au coeur des années sombres par Emil Cioran, philosophe roumain qui adopta la langue française dans ses écrits. Cet amoureux de la France dissèque à sa façon les grandeurs et petitesses d'une nation qui le fascine. Description à la fois féroce, lucide et admirative.
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Préface de Sanda Stolojan :
« Il y a chez tout auteur, écrit Sanda Stolojan, une image clé, qui répond à une obsession profonde et révélatrice.
Telle est l'image des larmes et de leur corollaire, les pleurs, tout au long de l'oeuvre de Cioran. Dans Des larmes et des saints, il prévoit le jour où il regrettera, où il aura honte, d'avoir tant aimé les saintes et «la mystique, cette sensualité transcendante». Il se séparera des saintes, de leurs effusions, mais l'adieu au lyrisme n'effacera pas en lui l'image et la pensée qui l'obsèdent ».
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A la suite de "On ne peut vivre qu'à Paris" (7 500 ex vendus), Patrice Reytier illustre un nouveau livre à partir de fragments inédits de l'oeuvre de Cioran.
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«Dans tout livre où le Fragment est roi, les vérités et les lubies se côtoient d'un bout à l'autre. Comment les dissocier, comment savoir ce qui est conviction et ce qui est caprice ? Tel propos, fruit de l'instant, précède ou suit tel autre qui, compagnon de toute une vie, s'élève à la dignité d'une obsession. C'est au lecteur de faire le départ, puisque aussi bien, dans plus d'un cas, l'auteur lui-même hésite à se prononcer. Aveux et Anathèmes étant une suite de perplexités, on y trouvera des interrogations mais aucune réponse. Du reste, quelle réponse ? S'il y en avait une, on la connaîtrait, au grand dam du fervent de la stupeur.» Cioran.
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Le crépuscule des pensées est l'un des derniers ouvrage que Cioran rédigea en roumain. Ce livre veut décrire l'envers de cet individu capable de flammes, d'élans barbares et d'explosion.
La souffrance y est présentée comme un signe d'existence, la destruction, louée comme un principe de création et la conscience, rejetée au profit d'une orgie intérieure, d'une ivresse infinie et exaltée. Quant à la règle de vie qui s'y exprime : Être à chaque instant à la limite de son être, elle amène son auteur à un éloge de l'irrationnel de la vie contre l'esprit.
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Exercices d'admiration : essais et portraits
Emil Cioran
- Gallimard
- Arcades
- 23 Janvier 1986
- 9782070706105
«"De Maistre et Edgar Poe m'ont appris à raisonner." Cet aveu de Baudelaire m'a incité à lire Les Soirées de Saint-Pétersbourg et les autres ouvrages du plus passionné et du plus intolérant des penseurs. Ses vérités et, plus encore, ses insanités ont un indéniable charme. Un monstre séduisant. Tout à l'opposé, Valéry séduit par la retenue. Aucun dogme, aucun excès n'est lié à son nom. Il n'a péché que par élégance. Les jugements inéquitables que j'ai portés sur lui émanent d'une exaspération impure que je me fais un devoir de dénoncer ici. Les textes qui suivent, que ce soit sur Michaux, Saint-John Perse, Fondane, Beckett, Eliade, Maria Zambrano ou sur Borges, Weininger, Fitzgerald, sont forcément capricieux, comme tout ce qui procède de l'admiration, de l'amitié ou de l'emballement.» Cioran.
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Valéry face à ses idoles Les seuls problèmes que Valéry ait affrontés en initié sont ceux de l'écriture. Son culte de la rigueur se réduit à l'effort vers un éclat abstrait du discours. Ne rien laisser à l'improvisation ou à l'inspiration (synonymes maudits à ses yeux), surveiller les mots, les peser, ne jamais oublier que le langage est l'unique réalité ; telle est cette volonté d'expression, poussée si loin qu'elle tourne en acharnement aux riens, en recherche exténuante de la précision infinitésimale. Il est difficile de se figurer une langue plus épurée que la sienne, plus merveilleusement exsangue.
Quelques rencontres Pour deviner cet homme séparé qu'est Beckett il faudrait s'appesantir sur la locution «se tenir à l'écart», devise tacite de chacun de ses instants, sur ce qu'elle suppose de solitude et d'obstination souterraine, sur l'essence d'un ëtre en dehors, qui poursuit un travail implacable et sans fin.
Les débuts d'une amitié J'ai rencontré Eliade pour la première fois en 1932, à Bucarest [...]. Il était alors l'idole de la «nouvelle génération». J'étais étonné qu'il pût approfondir le Sankhya et s'intéresser au dernier roman. Depuis je n'ai cessé d'être séduit par le spectacle d'une curiosité aussi vivante, aussi effrénée.
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Homme en colère, moraliste à l'esprit corrosif, Cioran place le désespoir au coeur de sa pensée. Dans un style incisif et décapant, il livre ses aphorismes et réflexions sur le temps, la mort, la religion et la condition humaine : «Le plus grand exploit de ma vie est d'être encore en vie».
Une vision désabusée des hommes et du monde, une lucidité extrême.
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Sans jamais se départir d'une liberté de ton à la fois incisive et drôle, cet échange épistolaire mêle anecdotes et réflexions métaphysiques, évocations d'accidents quotidiens et jugements sur l'histoire contemporaine, récits de potins littéraires et réflexions diverses sur la difficulté d'écrire, souvenirs et états d'âme, confessions et accès de rage.
D'abord témoignage d'une profonde amitié, il est pour le lecteur l'occasion de (re)découvrir un Cioran d'une extrême bienveillance, s'inquiétant, par exemple, de l'état de santé de son ami et lui prodiguant des conseils si précis, si éclairés qu'on les dirait inspirés du Vidal ou extraits de quelque ordonnance médicale ! Qu'on se rassure pourtant : le Cioran attentionné, plein d'affection qu'on sent au fil des lettres sait, ici encore, régaler son destinataire de formules sarcastiques, de pointes assassines qui sont autant de coups de gueule poussés contre l'homme et l'univers.
Guerne n'étant pas en reste sur le sujet et jouissant d'une plume tout aussi tranchante, le lecteur savoure l'énergie qui se dégage de ce dialogue à la fois vif, chaleureux et imprégné de culture.
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Il n'est pas aisé de tourner le dos aux évidences de la négation. L'auteur s'y est astreint, sans y parvenir toujours. « Le non m'excède » (leitmotiv du dernier chapitre) est comme la clef d'un livre où le oui surgit plutôt d'une nostalgie que d'un raisonnement. Ceux qui, éprouvant le vide comme une certitude affective, l'assimilent à une donnée primordiale de la conscience, comment se hausseraient-ils à l'affirmation ? Rien de plus difficile pour eux que de concevoir l'être; inaptes à le saisir par l'esprit, ils s'évertuent à le conquérir par la volonté, en même temps qu'ils poussent la négation jusqu'au point où elle s'annule elle-même. Il existe un savoir mortel à la vie, destructeur par essence, dont ces essais se réclament et se détournent tout ensemble. Autant dire qu'ils se présentent comme une série de perplexités, comme l'illustration d'un tiraillement. Si, entre l'être et le connaître, l'auteur opte en fin de compte pour le premier, c'est qu'il s'est exercé à penser contre soi, contre ses certitudes : tiraillement encore, qu'il a instauré cette fois au plus intime de lui-même. Dans ses conclusions, La tentation d'exister n'est qu'une protestation contre la lucidité, une apologie pathétique du mensonge, un retour à quelques fictions salutaires.
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Le Bréviaire des vaincus fait partie de ces oeuvres marquées par une étrange destinée. Cioran le composa pendant la guerre, en roumain, dans le décor de ce Paris occupé où il n'avait pas encore pris la décision de ne plus écrire qu'en français. À l'époque, il vient de quitter définitivement son pays natal - mais c'est toujours dans sa langue maternelle qu'il fixe ses pensées, qu'il crée.
Le Bréviaire est le dernier texte de Cioran rédigé en roumain : un livre d'abord voué à être publié puis « oublié » par son auteur durant quelque quarante ans ! En 1993, Alain Paruit offrit une magnifique traduction de ce Bréviaire que Cioran, devenu écrivain de langue française, avait pour lui-même jugé en 1963 « illisible, inutilisable, impubliable ». Mais si le grand traducteur avait contribué à sauver de l'oubli l'oeuvre-charnière de Cioran, il ignorait alors l'existence d'une seconde partie, découverte seulement après la mort de l'écrivain, en 1995.
C'est cette seconde partie, demeurée totalement inédite, que nous proposons aujourd'hui. Imprégnée du même souffle que la première, elle enregistre les oscillations d'une identité qui se cherche, s'échappe, aspire sans cesse à s'affirmer - fût-ce dans l'excès ou dans le paroxysme de la contradiction. Véritable « journal » de l'esprit de Cioran, l'oeuvre explore - souvent avec poésie, parfois avec lyrisme - les nuances d'un désespoir unique, porté par la « malchance » d'être né roumain, impuissant à accepter les limites de la raison comme celles de l'amour, interrogeant sans répit Dieu et sa possible absence, mais saluant encore « le charme fou de l'irréparable » pour puiser enfin dans la musique un antidote efficace contre l'ennui, ce « triomphe absolu de l'Identité ».
Le curieux destin de ce Bréviaire, seconde partie, aurait sans doute amusé son auteur ; il est pour nous l'occasion d'en savoir davantage sur le cheminement intérieur d'un homme qui s'apprêtait à faire l'expérience d'une autre patrie, c'est-à-dire - selon ses propres conceptions - d'une autre langue.
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«Selon une légende d'inspiration gnostique, une lutte se déroula au ciel entre les anges, dans laquelle les partisans de Michel vainquirent ceux du Dragon. Les anges qui, irrésolus, se contentèrent de regarder furent relégués ici-bas afin d'y opérer le choix auquel ils n'avaient pu se résoudre là-haut, choix d'autant plus malaisé qu'ils n'emportaient aucun souvenir du combat et encore moins de leur attitude équivoque.
Ainsi le démarrage de l'histoire aurait pour cause un flottement, et l'homme résulterait d'une vacillation originelle, de l'incapacité où il était, avant son bannissement, de prendre parti. Jeté sur la terre pour apprendre à opter, il sera condamné à l'acte, à l'aventure, et il n'y sera propre que dans la mesure où il aura étouffé en lui le spectateur. Le ciel seul permettant jusqu'à un certain point la neutralité, l'histoire, tout au rebours, apparaîtra comme la punition de ceux qui, avant de s'incarner, ne trouvaient aucune raison de se rallier à un camp plutôt qu'à un autre. On comprend pourquoi les humains sont si empressés d'épouser une cause, de s'agglutiner, de se rassembler autour d'une vérité. Autour de quelle espèce de vérité ?»