« Avec cette mission, il nous faut afficher notre ambition : à travers les métiers du lien, c'est un projet de société que nous portons. Nous ne venons pas, seulement, techniquement, construire un statut pour les auxiliaires de vie sociale. Il le faut, certes. Garantir un revenu pour les accompagnantes d'enfant en situation de handicap, il le faut, assurer une reconnaissance aux animatrices du périscolaire, il le faut, bâtir un filet de sécurité pour les assistantes maternelles, il le faut. Il faut tout cela. Il faut les sortir de la marge, de la périphérie, de l'oubli. Mais il faut plus. Il faut la société qui va avec. Il faut la société qui place le lien en son coeur. Qui en fait son moteur, son mantra : par où passera le progrès demain ? Par le lien. C'est un basculement que nous réclamons, et qui ne correspond pas qu'à une conviction éthique. Il répond à un moment historique. Et à une nécessité écologique. »
"Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ". Ce principe, posé en 1789, est au coeur de la crise de confiance, aujourd'hui, entre la police et la population : qui les forces de l'ordre servent-elles ? Le pouvoir, ou les citoyens ? Au fil des auditions (de policiers, de la hiérarchie, d'ONG, de victimes, de sociologues...), le député-reporter découvre ce malaise, présent dans les manifestations, dans les quartiers, dans les commissariats.
Et il ouvre un horizon, " Pour une police de la confiance ", avec des pistes concrètes : police formée, modèle d'autorité, contrôle d'identité, chambre spécialisée, etc.
"Hé Fakir, Dépakine ! Tu connais ? » C'est parti de là. D'un long courrier, adressé par Claire, signé d'une "maman fatiguée".
Et de coups fil en rencontres, on a poursuivi l'enquête sur Sanofi : ses dividendes records, ses milliers de chercheurs supprimés, son usine qui n'a jamais servi et déjà détruite, ses millions de vaccins broyés, sa politique de "tout pour les actionnaires" qui met en péril la santé de demain, de nos gamins.
On a mis à nu, également, les liens entre le président de la République et le PDG Serge Weinberg, entre le gouvernement et le laboratoire pharmaceutique. On a interpellé le Premier ministre au sein de l'hémicycle, et nous avons assisté à son silence complice.
Que désirons-nous, à l'arrivée? Une démocratie de la santé. Que les choix, pour notre corps, pour notre avenir, ne soient plus tranchés dans notre dos, en catimini.
Avec le chiffre d'affaires, la rentabilité en ligne de mire, et nous comme variable
"Qu'attend-on de nous? Vous voulez la compétition, le modèle néo-zélandais?
On le fera. Une agriculture familiale, de proximité, qui intègre le bien-être animal? On le fera. Vous voulez tout à la fois? C'est aux Français, et à vous les politiques, de fixer un cap." Ainsi s'exprimait Bruno Dufayet, président de la Confédération nationale de l'élevage, devant les parlementaires. Et de réclamer un "nouveau contrat social entre les agriculteurs et la société." Cette même question, François Ruffin la balade des fermes céréalières picardes aux éleveurs de poulets et cochons bretons, en passant par les arboriculteurs de la Drôme, les usines de transformation, la grande distribution, les choix de Macron : quelle agriculture voulons-nous pour quelle alimentation ?
Avec les acteurs des filières, dans le dialogue, le député-reporter ébauche ce "nouveau contrat social".
« L'état est devenu l'instrument du renoncement, devant l'argent, face à la volonté toujours plus insistante des marchés financiers, des milliardaires qui détricotent notre industrie et jettent des millions d'hommes et de femmes de notre pays dans le chômage, la précarité et la misère. Oui, il faut en finir avec le règne de l'argent-roi. » C'est troublant, non ?, quand Marine Le Pen s'attaque « aux dogmes de l'ultra-libéralisme ».
Depuis quand, se demande François Ruffin, un peu embêté, depuis quand le Front national cause comme ça, un peu comme lui ? « état », « impôts », « service public », « entreprise », « Europe », « mondialisation », « inégalités », etc.
Qu'ont-ils en commun ? Qu'est-ce qui les sépare ?
Comment, par quelles étapes, le parti de Jean-Marie Le Pen, le « Reagan français » autoproclamé, défenseur des « pauvres actionnaires » dans les années 1980, adepte d'une « révolution fiscale » qui supprimerait l'impôt sur le revenu, pourfendeur de « l'état Kapo » et des « perversions de l'étatisme », s'est-il mué, avec sa fille, en son quasi-contraire ?
Qu'est-ce qui relève de l'imposture, ou du vernis social ? Qu'est-ce qui, à l'inverse, est profondément ancré dans le discours du FN ?
Qu'est-ce qui, dans ces changements, est permis par le nouvel ordre du monde, la chute de l'Union soviétique, les renoncements du Parti communiste ?
Pour y répondre, l'auteur a plongé dans quatre décennies de littérature frontiste, une espèce d'archéologie sur la « pensée économique et sociale » par un retour aux sources : les professions de foi et les tracts du FN depuis sa fondation. Une recherche menée sans hystérie ni complaisance.
C'est pas rien, l'Europe. Elle surveille déjà nos déficits et contrôle nos budgets. Elle pond des centaines de directives et des milliers de règlements, de la privatisation du rail jusqu'aux dates d'ouverture de la pêche à pied. Elle gère notre monnaie. Elle en appelle à la « compétitivité » et à la « modération salariale ».
Mais autant on surveille l'élysée, les faits et gestes du Président, son choix de cravate et ses « éléments de langage », autant la Commission, rien que d'y songer ça nous fait bailler : comment s'informer sur ce machin qui, à deux heures en Thalys de Paris, nous paraît si lointain ?
Pour s'informer sur l'Europe, on a donc fait du tourisme. On s'est rendu à Bruxelles, dans sa capitale, pour voir autre chose que le Manneken Pis, l'Atomium, le Musée Magritte, ou des vitrines aux jeunes filles dénudées. On a visité le « quartier européen », un kilomètre carré, environ.
On a flâné parmi ces bâtiments aux vitres teintées, ces grandes esplanades, ces blocs de béton armé, qui ressemblent à la Défense, ou à une ville nouvelle, ou à un centre commercial de luxe. Et à se balader entre les tours, on découvre d'autres détails, qui peuvent nous servir de symboles.
C'est une plaque d'amitié, devant l'entrée du Parlement, entre les lobbies et les députés européens.
C'est une statue portant un euro à bout de bras.
C'est un portrait géant de Jacques Delors.
C'est un étendard « for jobs and growth » déployé sur un building.
Et puis, on est entrés dans les tours, on a discuté avec les « décideurs », fonctionnaires, élus, lobbyistes, syndicalistes, comme ça, en reporter qui baguenaude. Et s'affiche tranquillement une idéologie : une fusion, une confusion, de la politique avec la finance.
C'est à cette promenade que le lecteur est invité.
Une excursion dans la capitale de l'Europe. Mais qui est aussi, surtout, une incursion dans les têtes de ceux qui la font.
Cette enquête au long cours sur un accident du travail nous mène des quartiers populaires aux coulisses des tribunaux, d'un hôpital psychiatrique au "traitement social du chômage ", et dévoile les réseaux de notables provinciaux.