"Hé Fakir, Dépakine ! Tu connais ? » C'est parti de là. D'un long courrier, adressé par Claire, signé d'une "maman fatiguée".
Et de coups fil en rencontres, on a poursuivi l'enquête sur Sanofi : ses dividendes records, ses milliers de chercheurs supprimés, son usine qui n'a jamais servi et déjà détruite, ses millions de vaccins broyés, sa politique de "tout pour les actionnaires" qui met en péril la santé de demain, de nos gamins.
On a mis à nu, également, les liens entre le président de la République et le PDG Serge Weinberg, entre le gouvernement et le laboratoire pharmaceutique. On a interpellé le Premier ministre au sein de l'hémicycle, et nous avons assisté à son silence complice.
Que désirons-nous, à l'arrivée? Une démocratie de la santé. Que les choix, pour notre corps, pour notre avenir, ne soient plus tranchés dans notre dos, en catimini.
Avec le chiffre d'affaires, la rentabilité en ligne de mire, et nous comme variable
"Qu'attend-on de nous? Vous voulez la compétition, le modèle néo-zélandais?
On le fera. Une agriculture familiale, de proximité, qui intègre le bien-être animal? On le fera. Vous voulez tout à la fois? C'est aux Français, et à vous les politiques, de fixer un cap." Ainsi s'exprimait Bruno Dufayet, président de la Confédération nationale de l'élevage, devant les parlementaires. Et de réclamer un "nouveau contrat social entre les agriculteurs et la société." Cette même question, François Ruffin la balade des fermes céréalières picardes aux éleveurs de poulets et cochons bretons, en passant par les arboriculteurs de la Drôme, les usines de transformation, la grande distribution, les choix de Macron : quelle agriculture voulons-nous pour quelle alimentation ?
Avec les acteurs des filières, dans le dialogue, le député-reporter ébauche ce "nouveau contrat social".
Le portail a crissé, et Zoubir est entré dans mon jardin comme une anomalie : que venait faire sa silhouette de sumo-prolo entre les roses trémières et la haie des voisins ? Je lui ai collé l'étiquette, comme un réflexe : « quartier Nord ».
« Un jeune est mort sur le chantier d'insertion de la Citadelle. Allah yarahmo. La Mairie a tout fait pour étouffer l'affaire. Et pourquoi ce silence ? Parce que le gamin, là, un Noir, c'était un fils de rien. »
Ensemble, avec Zoubir, nous allons donc enquêter sur cet « accident », et cette histoire va nous mener vers d'autres histoires, de came, de boulot, de pognon, de logement, de folie, d'intérim, de prison, de résignation, deux années d'errance avec Monsieur Rabi, président burlesque d'une association de rapatriés, avec Rodrigue, ex-détenu qui patauge dans les « biz », avec Djouneïd, parachutiste au grand coeur, avec Zoubir, mon héros, lui qui s'allonge sur mon canapé comme sur un divan, qui raconte tout, du pâté qu'il dégustait « fanatiquement » enfant à son retour vers un islam « naïf », de son amour pour Audrey, six ans, « belle comme une fleur » à son engagement dans l'armée, « qu'on ne me traite plus de tapette », etc.
Aux côtés de ces Valeureux, j'ai recherché des « missions » chez Manpower, un camping pour les vacances, un terrain pas trop en pente pour le pavillon rêvé, j'ai fréquenté la salle de muscu, épongé des dettes chez Finaref, réclamé des F4 à l'OPAC et un « buffet halal » à Chirac, servi de chauffeur pour récupérer des malades à l'hôpital psychiatrique, pour transporter des crevettes peu fraîches, pour revendre de l'héroïne au détail et en semi-gros.
Au fil de cette épopée de proximité, l'injustice sociale - souvent discrète, invisible à qui ne la subit pas - s'incarne dans des visages, des récits pleins de rage et de joie.
Cette enquête au long cours sur un accident du travail nous mène des quartiers populaires aux coulisses des tribunaux, d'un hôpital psychiatrique au "traitement social du chômage ", et dévoile les réseaux de notables provinciaux.