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GALLIMARD
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Une page blanche, un début de roman. Comment démarrer une histoire ? Comment trouver les premiers mots et entraîner le lecteur avec soi ? La lecture est un jeu qui exige la participation active du lecteur, avec son expérience, sa candeur, sa perspicacité, son ingéniosité. Les pactes introductifs jouent parfois à cache-cache, manquent à leur promesse, la tiennent inopinément, invitent à entrer dans un labyrinthe... Il faut savoir déjouer les pièges, lire entre les lignes.C'est dans cet univers d'incipit de grands romanciers tels Kafka, Gogol, Gabriel Garcia Marquez, Tchekhov, Elsa Morante et bien d'autres qu'Amos Oz nous entraîne avec L'histoire commence, véritable introduction à l'apprentissage de la lecture «au ralenti».
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La littérature est ma vengeance ; conversation
Claudio Magris, Mario Vargas Llosa
- Gallimard
- Arcades
- 11 Février 2021
- 9782072838293
Comment un roman peut-il changer le monde? Quels sont aujourd'hui les rapports entre création et société, entre politique et fiction? Deux maîtres de la littérature mondiale tentent de répondre à ces questions et à quelques autres, révélant en même temps les secrets de leur «cuisine littéraire».Selon Vargas Llosa, un livre atteint son objectif quand il est capable de nous extraire de notre quotidien et de nous entraîner dans un monde où la fiction apparaît encore plus tangible que la réalité elle-même. De son côté, Claudio Magris, écrivain du voyage et des frontières, nous montre à quel point la littérature est un espace ouvert où la capacité créatrice de l'écrivain à inventer des fictions rejoint paradoxalement le mouvement de l'écriture vers la vérité.Conduites avec grâce et intelligence par le directeur de l'Institut italien de Lima, Renato Poma, ces quatre conversations entre Claudio Magris et Mario Vargas Llosa mettent en lumière les liens étroits qui existent entre le Nobel péruvien et l'un des plus prestigieux écrivains italiens contemporains.
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Les Tsiganes et la Renaissance : vivre en rom à florence ; dix-neuf août et d'autres écrits
Antonio Tabucchi
- Gallimard
- Arcades
- 8 Juin 2023
- 9782072947957
En 1998, Antonio Tabucchi sert de guide à une amie anthropologue, venue à Florence observer la situation des communautés roms rassemblées à la périphérie de la ville. Des notes prises alors, du journal qu'il a tenu en l'accompagnant, naît ce livre-reportage qui éclaire et dénonce les conditions d'existence indignes réservées à ces populations nomades dans une ville qui se réclame de l'héritage humaniste des Médicis. Pamphlet sévère, Les Tsiganes et la Renaissance dresse le portrait d'une ville devenue une Mecque du tourisme, portée par une rhétorique du luxe, et tout entière tournée vers un culte de l'argent. En citoyen révolté, Antonio Tabucchi pointe, à travers une approche historique, une dégradation culturelle et un délitement des valeurs sociales et humaines. Un constat qui ne se limite pas aux Florentins et qui ne peut que rappeler, aujourd'hui encore, des situations analogues dans d'autres villes européennes.
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Mario Vargas Llosa, écrivain du monde
Albert Bensoussan
- Gallimard
- Arcades
- 1 Décembre 2022
- 9782072995767
«Je partage le quotidien mental de Mario Vargas Llosa depuis cinquante ans. Il m'a fallu assumer ses fantasmes et ses obsessions. En vérité, ce que je n'ai pas vécu, je l'ai rêvé. J'ai habité ses rêves, mettant mes pas dans ceux du grand homme, mimant fraternellement ses gestes, choyant sa voix. Moi, son double, son singe. Son autre moi.»Dans cet essai personnel, Albert Bensoussan interroge cette relation si particulière qui unit l'auteur à son traducteur. Il offre la meilleure synthèse de l'oeuvre du romancier hispano-péruvien, Prix Nobel de littérature et académicien français. Il nous fait redécouvrir les multiples facettes de cet auteur tout à la fois réaliste, politique, fantaisiste, épris de liberté, inlassable contempteur des dictatures latino-américaines. Mario Vargas Llosa nous apparaît comme un véritable classique moderne : un contemporain capital.
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Ces quatre essais, précédés d'une préface inédite de l'auteur, présentent un concentré de la réflexion de Stefan Hertmans sur le langage et son rapport au silence. S'emparant d'une question cruciale depuis le romantisme, le grand écrivain néerlandophone s'interroge:est-il vrai que l'écriture et la parole nous détournent de l'expérience véritable, de la vie? Pourquoi Hofmannsthal, Holderlin, Jakob Lenz et Paul Celan ont-ils décidé de se taire, et quel recours à ce silence pourrait-on trouver dans l'oeuvre de W. G. Sebald?Étude à la fois érudite et limpide, Poétique du silence révèle l'importance de ces plumes germanophones dans la formation philosophique et linguistique de l'écrivain. C'est une nouvelle facette de l'auteur d'Une ascension qui est ici révélée:le romancier à succès est également brillant théoricien littéraire, et son oeuvre s'éclaire ainsi d'une passionnante lumière réflexive sur sa propre pratique.
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L'état de peste : Lire Camus à l'heure de la pandémie
Alice Kaplan, Laura Marris
- Gallimard
- Arcades
- 18 Mai 2023
- 9782072993701
Camus voulait exprimer dans La Peste (1947) les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Mais, pour tous ceux qui ont découvert le roman à l'époque de la pandémie de Covid-19, cette allégorie a pris un tout autre sens, et d'autres aspects ont acquis une importance capitale : la sensibilité de Camus face à la maladie et à la séparation, son expérience d'un mal contagieux, la psychologie et la politique d'une ville en quarantaine. Écrit sous forme d'un dialogue, dans le temps suspendu d'un confinement mis à profit pour relire, analyser et retraduire La Peste, cet essai offre un passionnant aller-retour entre passé et présent, États-Unis, France et Algérie. Au-delà d'une analyse indispensable du roman de Camus, Alice Kaplan et Laura Marris nous rappellent les fonctions essentielles de la littérature : explication, consolation, transfiguration.
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Mishima le romancier, Mishima le bodybuilder. Étonnante synthèse, en un seul individu, des mots et des muscles! Le Mishima ultranationaliste, critiquant l'Occident au profit d'un Japon ancestral mythique, cache un homosexuel décomplexé, fréquentant les bars gays et assumant ses fantasmes. Comment comprendre son suicide, le fameux seppuku en 1970:aveu d'échec d'un homme de quarante-cinq ans, ou manière de finir en beauté, avant que la vieillesse ne rende le corps à sa complète décrépitude?Thierry Hoquet analyse la puissance des contradictions au coeur de la vie et de l'oeuvre de Mishima. Beauté et décadence, ivresse et angoisse, jouissance et mort, tradition et modernité, tel est ce «mystère Mishima» qu'il nous invite à explorer.Au-delà de la figure du romancier japonais, ce livre est aussi un essai de philosophie incarnée, sur les différentes formes que prend la virilité, tantôt conquérante, tantôt inquiète.
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La question du fanatisme obsède notre monde contemporain. Nos sociétés occidentales, à tort ou à raison, ont l'impression de devoir combattre un ennemi invisible, car sous la forme paroxystique du terrorisme, le fanatisme frappe, au nom d'une foi ou d'une idée, sans que nous sachions comment répondre à cette agression de notre mode de vie et de nos modèles de société. Le Proche-Orient peut se prévaloir d'une tragique longueur d'avance en ce qui concerne les fanatismes de toute sorte. Amos Oz a toujours été un spectateur engagé de l'Histoire de son pays et de sa région, et dans les trois textes rassemblés ici (dont l'un a déjà été publié sous le titre Aidez-nous à divorcer !), il tente un début de réponse face à ce défi. À partir de souvenirs personnels, voire d'anecdotes, il engage une réflexion non seulement sur le conflit israélo-palestinien, mais aussi sur la nécessité de comprendre l'autre, de se mettre à sa place, puis sur les vertus du compromis, de l'humour. En écrivain, et non en politicien ou sociologue, Amos Oz réfléchit au pouvoir des mots, du rire, de la fiction, comme remède au fanatisme, et nous fait le cadeau d'une stimulante contribution au débat actuel.
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«Je ne sais pas ce que je suis, mais je sais ce que j'ai lu», confie le romancier argentin Daniel Link au seuil de cet essai délicieusement personnel. Sur un ton à la fois érudit et badin, il nous parle de cette passion de la lecture à travers laquelle il choisit de se définir. Nous découvrons ainsi ses pratiques successives et éclectiques de lecteur en tant qu'écolier, étudiant, éditeur, journaliste et philologue, mais également en tant que citoyen sous la dictature féroce d'une junte militaire qui interdit des livres, persécute des auteurs et criminalise la lecture. Chemin faisant, Link nous donne les clés des bibliothèques qui l'ont accompagné au cours de sa vie et nous présente ses maîtres et ses auteurs de prédilection, passeurs de livres de tous horizons, qui ont notamment pour noms Borges, Sabato, Cortazar et Piglia, ou Saint-Exupéry, Barthes et Deleuze. Hommage à la lecture, cette Autobiographie vient nous rappeler que les textes qui nous marquent nous réapprennent chaque fois à lire différemment, mais nous aident aussi à mieux comprendre qui nous sommes et le monde auquel nous appartenons.
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Lisbonne : livre de bord ; voix, regards, ressouvenances
José Cardoso pires
- Gallimard
- Arcades
- 23 Septembre 1998
- 9782070750696
Lisbonne des mouettes, Lisbonne des trottoirs en noir et blanc, Lisbonne du marquis de Pombal, des curieux azulejos du palais Fronteira, mais aussi Lisbonne des bars, du métropolitain, des offrandes au saint docteur Sousa Martins, José Cardoso Pires nous invite à le suivre pour une promenade toute personnelle à travers ses souvenirs d'enfance - un ange se jetant du haut d'un toit dans le quartier d'Arroios -, ses lectures complices (Pessoa, bien entendu, mais aussi Alexandre O'Neill, Eça de Queirós, Lawrence Ferlinghetti), l'histoire poétique d'une ville que dominent deux corbeaux encadrant un saint rabougri...
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«Se dépenser dans des conversations autant qu'un épileptique dans ses crises.»«Peut-on parler honnêtement d'autre chose que de Dieu ou de soi ?»«L'être idéal ? Un ange dévasté par l'humour.»Les questions fondamentales qui inquiètent, l'humour dévastateur qui rassure, les réponses impavides sont le ferment de ces entretiens accordés par Cioran durant les vingt-cinq dernières années à des journalistes, à des amis des quatre coins du monde.Un témoignage virulent, à bout portant de ses obsessions, de ses passions, de ses incertitudes.
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«Dans tout livre où le Fragment est roi, les vérités et les lubies se côtoient d'un bout à l'autre. Comment les dissocier, comment savoir ce qui est conviction et ce qui est caprice ? Tel propos, fruit de l'instant, précède ou suit tel autre qui, compagnon de toute une vie, s'élève à la dignité d'une obsession. C'est au lecteur de faire le départ, puisque aussi bien, dans plus d'un cas, l'auteur lui-même hésite à se prononcer. Aveux et Anathèmes étant une suite de perplexités, on y trouvera des interrogations mais aucune réponse. Du reste, quelle réponse ? S'il y en avait une, on la connaîtrait, au grand dam du fervent de la stupeur.» Cioran.
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Bibliothécaire adjoint d'un club de Lima dans sa jeunesse, Mario Vargas Llosa fut possédé très tôt par ce vice impuni qui ne l'a jamais quitté : la lecture. Il nous en donne encore la preuve en analysant ici plus de trente chefs-d'oeuvre romanesques du XX? siècle et en scrutant la figure de ces romanciers majeurs que furent Joyce et Faulkner, Camus et Bellow, Nabokov et Hemingway, et bien d'autres encore. Sa complicité de plume lui fait entrevoir l'alchimie particulière du roman contemporain, qui repose notamment sur ce «mentir-vrai» cher à Aragon. Le mensonge de la fiction, développe-t-il dans ces pages, nous renvoie la vérité de nos manques et de nos désirs, celle de nos propres démons ; et nous permet ainsi de vivre en «intelligence» avec eux. Mais ce faisant, l'écrivain prolixe et infatigable lecteur qu'est Vargas Llosa ne trace-t-il pas son autobiographie littéraire ? Il nous transmet en tout cas son enthousiasme pour la littérature et nous invite à lire et à relire passionnément les grands maîtres de notre temps.
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Contrebandier de la philosophie : sept conférences suivies d'échanges avec le public
Michel Tournier
- Gallimard
- Arcades
- 4 Novembre 2021
- 9782072931369
Dans ces conférences inédites, données de 1994 à 2004, Michel Tournier accorde une grande importance à l'échange avec ses lecteurs. C'est avec humour qu'il présente ses expériences, comme son heureux échec à l'agrégation de philosophie, et dévoile, dans les coulisses de la création, son idéal de littérature:écrire des romans avec de la «philosophie de contrebande».Par leur complémentarité, ces conférences racontent le parcours de Michel Tournier et révèlent ses sources d'inspiration:il s'agit souvent de sa relation avec les livres qui l'ont inspiré, ceux de Kant, Flaubert ou Jules Verne, ou avec les personnalités qui l'ont marqué - on croise même le président Mitterrand descendant d'hélicoptère. Il arrive aussi qu'il dérive vers ses relations avec les éditeurs et les termes des contrats passés, ou bien vers les enquêtes préalables aux romans.Voici une traversée malicieuse de l'oeuvre de Tournier par Tournier, qui en montre l'extraordinaire cohérence et donne envie de tout (re)lire sans plus attendre.
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Le Bréviaire des vaincus est le livre charnière de Cioran. Il l'a écrit de 1940 à 1944, à Paris, mais en roumain. C'est son dernier (et sixième) livre en roumain, c'est aussi le premier écrit en France. Cioran se veut désormais parisien. «Je me repose dans les nonchalances de la France et je m'adoube chevalier de la langueur parisienne.» Mais il n'arrive pas non plus à se sentir français. «Y avait-il boulevard Saint-Michel un étranger plus étranger que moi ?» Alors, déchiré, sans espoir, il cherche un semblant de consolation en habillant sa pensée mortuaire dans les haillons de lumière de la poésie. Mais le lecteur français trouvera ici pour la première fois les idées et surtout le style de Cioran, celui qu'il a découvert dans les livres qui ont fait le ton et la pensée unique de l'auteur du Précis de décomposition.
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Exercices d'admiration : essais et portraits
Emil Cioran
- Gallimard
- Arcades
- 23 Janvier 1986
- 9782070706105
«"De Maistre et Edgar Poe m'ont appris à raisonner." Cet aveu de Baudelaire m'a incité à lire Les Soirées de Saint-Pétersbourg et les autres ouvrages du plus passionné et du plus intolérant des penseurs. Ses vérités et, plus encore, ses insanités ont un indéniable charme. Un monstre séduisant. Tout à l'opposé, Valéry séduit par la retenue. Aucun dogme, aucun excès n'est lié à son nom. Il n'a péché que par élégance. Les jugements inéquitables que j'ai portés sur lui émanent d'une exaspération impure que je me fais un devoir de dénoncer ici. Les textes qui suivent, que ce soit sur Michaux, Saint-John Perse, Fondane, Beckett, Eliade, Maria Zambrano ou sur Borges, Weininger, Fitzgerald, sont forcément capricieux, comme tout ce qui procède de l'admiration, de l'amitié ou de l'emballement.» Cioran.
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À l'instar du Rilke des Lettres à un jeune poète, Mario Vargas Llosa répond ici aux questions que lui adresse un futur écrivain, curieux de connaître les ressorts cachés de l'art du roman. Ce jeune interlocuteur réel ou virtuel - on ne le saura jamais - est le destinataire de douze lettres qui associent, à des degrés divers, l'érudition, la confidence, l'exposé théorique et les conseils pratiques. Vargas Llosa y évoque la naissance de sa vocation, et développe à cette occasion la «parabole du ver solitaire», se souvient de ses débuts difficiles et analyse avec intelligence et passion l'influence des grands maîtres qui ont marqué son apprentissage : Cervantès et Flaubert au premier chef, mais aussi Kafka, Joyce, Faulkner, Onetti et Cortazar, entre autres. L'exercice critique se double, dans ces pages, d'un commentaire sur certains aspects techniques de l'écriture romanesque : «les vases communicants», «les mutations et le saut qualitatif», «la boîte chinoise» ou le fameux «catoblépas» cher à Borges y sont autant de métaphores visant à éclaircir le mystère qui donne au roman son pouvoir de persuasion et le place, aujourd'hui, parmi les inventions les plus surprenantes de la culture moderne.
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Recueil de 28 courts essais publiés par G. Steiner dans le magazine américain«The New Yorker». Il se divise en 4 parties distinctes : histoire et politique, écrivain et littérature, penseurs, études d'une vie. G. Steiner évoque notamment le compositeur autrichien Anton Webern, le critique d'art Anthony Blunt ou encore la vie d'Albert Speer.
Lectures Chroniques du New Yorker George Steiner a écrit plus de cent trente articles pour le prestigieux magazine américain The New Yorker entre 1967 et 1991, et il est incontestable que son érudition exceptionnelle y trouve une expression particulièrement brillante et divertissante. Le présent volume en offre un choix significatif et nous permet de suivre l'intellectuel européen dans son intérêt pour des thèmes ou personnages extrêmement divers. Que ce soit le destin d'Albert Speer - son amitié avec Hitler, son rôle dans le régime nazi, puis son long emprisonnement dans la prison de Spandau - ou la singularité du roman 1984 de George Orwell, devenu une véritable jauge de l'évolution de nos sociétés, ou encore l'histoire d'Anthony Blunt - grand critique d'art, spécialiste de la peinture française du XVIIe siècle, conseiller de la reine d'Angleterre, et espion pour le compte de l'Union soviétique -, George Steiner raconte et analyse tout à la fois. Anton Webern, Graham Greene, Thomas Bernhard, Vladimir Nabokov, Samuel Beckett, Louis-Ferdinand Céline, Waiter Benjamin, Cioran, Claude Lévi-Strauss, Hermann Broch, André Malraux, Michel Foucault ou Paul Celan - pour ne citer qu'eux - donnent lieu à d'autres développements passionnants, vifs et nuancés. Ainsi rassemblés dans un recueil pour la première fois, l'ensemble nous offre un formidable condensé de la pensée du grand George Steiner.
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«La fatigue soudain saisit l'enfant au milieu des siens, puis c'est la fatigue mortelle des cours morts de l'université ; mais il y a des fatigues plus profondes, plus intérieures, séparatrices et révélatrices à la fois. Cette fatigue-là creuse les êtres et leur donne aussi une présence nouvelle : c'est la clairvoyance de la fatigue. Elle peut rassembler pour un moment autour d'une entreprise commune - une batteuse -, mais il y a aussi les infatigables, les tueurs survivants de l'extermination, frais et dispos, et leurs guillerets descendants. La fatigue peut être tranquille mais la fatigue la plus grande naît peut-être à la vue de la cruauté toute simple, quotidienne. La fatigue donne forme au monde, elle aiguise la perception, elle établit une infranchissabilité réciproque entre les êtres, mais par là aussi une communication».
Georges-Arthur Goldschmidt.
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Prendre le bon Dieu de vitesse est un livre dérangeant aussi bien par sa forme que par son sujet. Il s'agit d'un texte authentiquement littéraire, mais qui conserve les traces de ce qui fut son point de départ : un dialogue entre Hanna Krall et Marek Edelman, le seul survivant parmi les cinq commandants de l'insurrection du ghetto de Varsovie. Hanna Krall ne cherche pas à saisir le fait historique dans sa globalité, mais s'interroge sur la manière dont Marek Edelman a vécu l'insurrection. Cet ouvrage pose la question insoluble du choix des vies à sauver, de ce qu'est la valeur d'une vie, et engage la réflexion sur le sens de cette résistance armée vouée à l'échec. Les faits sont rapportés dans leur expression la plus brute, et Hanna Krall prend le risque de choquer dans sa volonté de traquer au plus près la vérité humaine de cette insurrection, tout en la reliant à des questions intemporelles d'ordre éthique. Elle éclaire ainsi d'une perspective nouvelle un des épisodes les plus marquants de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale.
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1936 : deux années après son premier texte, Sur les cimes du désespoir, Cioran écrit Le livre des leurres. L'ouvrage est publié aux éditions Cugetarea de Bucarest. À cette époque, l'auteur, après une bourse d'études en Allemagne, devient professeur de philosophie dans un lycée de Brasov. Un an plus tard, il s'installe en France. En 1947, il écrit en français. Difficile pourtant d'invoquer la biographie pour rendre compte d'un texte d'une grande originalité et d'une extrême densité spirituelle. On y trouve déjà ce qui caractérise le style de Cioran : l'aphorisme considéré comme le moyen d'expression privilégié d'une vérité paradoxale et fugitive. Mais on découvre surtout une palette stupéfiante de figures - essai, prose poétique, prosopopée, prière, etc. - successivement convoquées pour traduire une expérience intérieure bouleversante, une nuit de l'esprit, qui s'ouvre sur la révolte et s'achève dans le silence.
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Entre 1917 et 1918, Kafka séjourne huit mois chez sa soeur Ottla à Zürau, dans la campagne de Bohême. La tuberculose s'est déclarée, et crée chez l'écrivain dans sa retraite une intimité nouvelle avec l'idée de la mort. C'est durant cette période que sont nés ces «aphorismes» étranges et déroutants : alors que Kafka avait coutume de remplir des cahiers d'écolier d'une écriture serrée, ici au contraire il dispose une phrase, un paragraphe tout au plus, sur de petites feuilles volantes. Tout le reste de la page, étonnamment vide... À l'initiative de Roberto Calasso, ces aphorismes de Zürau sont livrés pour la première fois à une lecture telle que Kafka aurait pu la souhaiter. Quoiqu'il ait presque toujours répugné à la publication de ses textes, il est certain que cette disposition singulière était destinée à faire briller l'éclat foudroyant de sentences venues des abîmes. Car ses pensées y sont vertigineuses, parfois oraculaires, échappant toujours à l'explicitation univoque mais suscitant sans cesse la nécessité d'une méditation essentielle : le bien et le mal, le corps et l'esprit, le courage et la fuite, le chemin et le cercle, la création et la mort. Autant de motifs qui parcourent son oeuvre, mais ciselés ici à l'extrême, douloureux et resplendissants comme des pointes de diamant, regard d'un «oeil qui simplifie jusqu'à la désolation totale». Mais cette désolation est pour Roberto Calasso une «splendeur voilée».
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Les textes qui paraissent ici pour la première fois en français sont restés inédits ou introuvables, en Allemagne même, près de vingt ans après la mort de l'auteur. Si leur forme, leur ampleur et leurs sujets varient, de l'ébauche autobiographique à la polémique politique, en passant par le commentaire d'oeuvres ou la profession de foi, leur préoccupation centrale et presque constamment sous-jacente, c'est la condition malheureuse de l'écrivain allemand contemporain de Staline et de Hitler. L'esthète bourgeois et le piètre démocrate que fut d'abord Thomas Mann devient l'antinazi le plus résolu et le plus acerbe, au point d'être accusé de communisme au retour de son exil américain. Ces textes mal connus révèlent le grand écrivain sous un jour nouveau qui n'a rien d'inactuel.
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L'histoire même de l'ouvrage majeur de Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe - qui sert de trame à La politique de la mémoire -, est celle de la place qu'occupe désormais le génocide dans la culture occidentale : excès d'oubli dans les années d'après-guerre, excès de mémoire depuis les années quatre-vingt. Histoire en soi de la manière dont l'Occident a difficilement fait sa place à Auschwitz dans sa conscience collective, galerie de portraits - sans les concessions d'usage - de quelques grandes figures de la pensée (Hannah Arendt, notamment), cette analyse d'un symptôme de notre mémoire pourrait avoir pour exergue le propos de H.G. Adler, survivant de Theresienstadt : «Hilberg est seulement reconnu, peut-être aussi déchiffré, mais certainement pas compris.»