Mrs Dalloway est un des romans de Woolf les plus connus. En cette fameuse journée de juin située par déduction en 1923, Clarissa Dalloway a cinquante-deux ans, et, quand elle publie son roman en 1925, Virginia Woolf en a quarante-trois. Clarissa marche dans Londres et se remémore sa jeunesse, ses amitiés, ses amours.
Elle évoque le poids des années, les rêves meurtris, les amours inégalées, le royaume des morts ou celui de cette vitalité fragile et précieuse dont elle est magnifiquement douée. Le roman s'intitulait d'abord Les Heures parce qu'il est rythmé par le carillon de Big Ben, le temps qui passe et frappe dans la vie d'une femme. Ce continuum romanesque de la pensée, de la mémoire, des actions, des sensations, c'est le fameux « stream of consciousness », le flux de conscience, une des plus grandes réussites de ce roman. « Sa polyphonie va jusque restituer les pensées vocalisées et les paroles intérieures, les voix vives mais aussi les voix éteintes, dans un travail de mixage sonore délicat auquel il a fallu tendre l'oreille », écrit Nathalie Azoulai dans sa préface.
La nouvelle traduction de Nathalie Azoulai parvient à rendre en français la langue de ce roman culte de la modernité littéraire, vive sans être parlée, conversationnelle sans être relâchée, logique mais peu articulée.
Saisissant, en français aujourd'hui, ce qu'elle a de lapidaire, d'ironique, de séquencé, de pudique, de snob.
Au milieu des sables du bush, Kéziah règne en maître sur les moins que rien:Nello, le valet de coeur subjugué, et Siri, l'idiote à la beauté radieuse. De l'autre côté du monde, une grande ville occidentale clignote de tous ses feux. Kéziah part donc en guerre contre sa misère native, contre le sort auquel on a pensé pour lui:il invente, pour s'arracher à son coin de terre sinistré, un moyen étrange et cruel. C'est Nello qui raconte. C'est Nello qui se dresse au milieu des choses dites, semblable à elles et sans pouvoir sur elles. Mais l'histoire finit par tracer, cahotante, son propre sillage fumeux. «Si la seule idée d'un Dieu ne me faisait pas rire, je rendrais bien ici quelques oracles, quelque parole inspirée, quelque évangile enluminé qui réconcilierait les autruches effarées, les sauterelles rongeuses, les guitaristes mystiques, les filles à la blondeur boréale, les mères oublieuses de leur première portée, les pères devenus prédicateurs de salon, tous les ergs et les regs du N'mab, et même le souvenir, toujours fou en moi, toujours miraculeux, du garçon qui a trahi son ami pour les lumières de la ville.»
Première édition poche de ce célèbre livre de Georges Perec, qui reprenait déjà le texte publié dans une édition illustrée en octobre 1994. Description scrupuleuse de l'île par où transitèrent, de 1892 à 1924, tout près de la statue de la Liberté à New York, près de seize millions d'émigrants en provenance d'Europe, il permet, dans sa nudité, de comprendre l'importance qu'eut pour Georges Perec cette confrontation avec le lieu même de la dispersion, de la clôture, de l'errance et de l'espoir.
« Ce que moi, George Perec, je suis venu questionner ici, c'est l'errance, la dispersion, la diaspora. Ellis Island est pour moi le lieu même de l'exil, c'est-à-dire le lieu de l'absence de lieu, le non-lieu, le nulle part. C'est en ce sens que ces images me concernent, me fascinent, m'impliquent, comme si la recherche de mon identité passait par l'appropriation de ce lieu-dépotoir où des fonctionnaires harassés baptisaient des Américains à la pelle. Ce qui pour moi se trouve ici ce ne sont en rien des repères, des racines ou des traces, mais le contraire : quelque chose d'informe, à la limite du dicible, quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission, ou coupure, et qui est pour moi très intimement et très confusément lié au fait même d'être juif. »
Le cinéaste Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre 2022. Il avait publié sept livres aux éditions P.O.L, dont six livres de « phrases » qui proviennent de ses six films éponymes : JLG/JLG, autoportrait de décembre (1996), For Ever Mozart (1996), Allemagne neuf zéro (1998), 2 x 50 ans de cinéma français avec Anne- Marie Miéville (1998), Les enfants jouent à la Russie (1998), et Éloge de l'amour (2001).
Ce volume exceptionnel reprend en format poche l'intégralité de ces six livres construits avec ce qui se dit, se pense dans ces films. C'est le « découpage dialogué » de chaque film : succession de phrases, d'aphorismes, sentences, histoires brèves, citations, qui font littéralement lever les images, les bruits, la musique des films, et en font résonner la parole heurtée. Pour Godard, phraser, c'était jouer en mettant en évidence - par des respirations - le développement d'une ligne mélodique. « Ce sont des sons et des phrases, qui correspondent à un type de diction, le mien », expliquait-il.
« Le montage de citations, d'aphorismes godardiens et d'incidentes extraites du déroulement des films font de JLG/JLG et For Ever Mozart, les livres, des oeuvres à part entière, distinctes des films qui leur ont donné naissance. [...] Chacun y trouvera ou retrouvera, au détour d'une colonne, quelques très indispensables détonateurs de la pensée - ne serait-ce que, dans JLG/JLG, l'admirable réflexion sur l'Europe, la culture et l'art. ».
Le Monde, 6 décembre 1996
Quatre saisons. Quatre lettres adressées à l'amie lointaine.
Jour de printemps. Il marche dans les vignes, les bois, alors qu'un poème se compose dans sa tête. Ce texte parle de l'avidité de vivre. De l'attente. L'attente de ce qu'aucun mot ne saurait nommer.
Nuit d'un été torride. Naguère, un enfant s'était enfoncé dans la forêt à la recherche de trois hêtres immenses. Il ne les avait pas trouvés, mais il avait vécu quelques minutes inoubliables près d'une source. Autre parcours : celui de l'aventure intérieure, avec ses aléas, ses angoisses, ses découvertes, et instamment espérée, ardemment attendue, cette seconde naissance qui permet enfin de consentir à la vie.
Journée d'automne et de balade sur les collines dans la douce et déclinante lumière de la saison préférée. Elle fait songer à un autre automne. Celui d'une existence. Celui qu'éclaire et enrichit la plénitude de la maturité.
Après-midi d'hiver. La neige. Les oiseaux. Le profond silence. Une totale passivité. Le plus enfoui affleure et la main note.
Des instants d'abandon, de lentes dérives. Une parole nue. Celle qui sécrète le murmure de l'intime.
Inspiré par l'« affaire de Tarnac », Tomates (P.O.L, 2010) parle de ce qui se passe au moment où il est écrit (2009). Nathalie Quintane le présente ainsi : « C'est un texte occupé. Pas seulement par moi, malgré les apparences. Un texte occupé par l'imposition d'un style, comme ils disent, par un ton, par des faits, par des manières de rapporter ces faits. De cette occupation, je n'ai pu me défendre que par une préoccupation - une inquiétude. Et par un amateurisme acharné en tout (de la culture des tomates à la culture tout court, de la politique à l'autobiographie). Il ne faudrait pas en attendre une définition, ou une description, valides (encore moins validées) du fascisme, par exemple, même s'il en est souvent question. Je crois qu'on y repère par moments des bribes d'essai, de critique littéraire, une conversation romanesque autofictive, des pamphlets en trois lignes, un lot de syllogismes, et toutes sortes de ressemblances ponctuelles avec des genres existant ou ayant existé. Cela dit, comme je l'ai écrit d'une traite, il me semble qu'il peut se lire d'une traite ; traversé, accompagné, par l'inquiétude - ou l'impression durable d'avoir les boules que je ne pense pas être la seule à avoir ressentie cette année-là. »
Daniel a été adopté très jeune par une immigrée polonaise et son petit mari français. Fasciné par cette mère et sa plantureuse beauté rousse, il s'efforce à la fois de lui obéir et de lui ressembler : or si obéir à sa mère signifie être un homme, lui ressembler signifie être une vamp en guêpière. Pris entre ces exigences contradictoires, il relègue ses avatars féminins dans ses abysses personnels. Avec l'entrée dans l'âge adulte, les choses s'arrangent un peu : il rencontre un homme qui devient à la fois son amant, son mentor et son employeur. Grâce à lui, il va se produire sur scène, travesti en femme, ce qui permet à sa vérité intime de sortir un peu, au moins à la nuit tombée. Parallèlement, il s 'éprend d'un détenu auquel il rend visite tous les dimanches, ce qui l'amène à côtoyer des femmes dont l'homme est en prison. Et s'il y a beaucoup de « perdants » dans cette histoire, à commencer par le narrateur ; beaucoup de filles perdues, beaucoup de créatures entre deux sexes, beaucoup d'amoureux de la défonce, c'est parce que les héros d'Emmanuelle Bayamack-Tam sont du genre à cumuler les disgrâces ; ils n'arrivent à rien, ils tirent systématiquement le mauvais numéro. Parce que leurs vies sont inimaginables, ou insupportables à imaginer, il y a de la place ici pour l'imagination, et pour l'humanité.
À la sortie de la première édition du livre en 2010, Philippe Lançon écrivait : « Bayamack-tam est un réjouissant écrivain dégénéré. Elle défait les catégories et les meilleurs sentiments. Elle le fait en écrivant des zones où les femmes sont aussi des hommes, les hommes des femmes, les Noirs des Blancs, les Blancs des Noirs, les enfants des adultes et vice-versa, les humains des animaux, bref, des lieux où ce qu'on prenait pour acquis, sous les termes génériques de nature ou de morale, est remis en cause par la vie. »
Un été à Roquebrune-Cap-Martin, deux jeunes gens, Louison et Tessa, entrent clandestinement dans la villa E.1027, la villa blanche conçue par l'architecte et designer irlandaise Eileen Gray. Gréco, une femme âgée, décoratrice, veille avec un soin amoureux sur cet endroit. Un jour, elle y surprend les deux jeunes squatteurs, danseurs au style néo-hippie. Gréco est aussi sobre et pudique qu'eux sont sensuels, dénudés et volcaniques. Ce roman est l'histoire de leur rencontre. Les baignades et goûters de fruits sont assez vite perturbés par une série d'incidents provoqués par Louison, le plus inquiétant et imprévisible des trois protagonistes, dont on découvre le goût pour le travestissement et les mises en scènes macabres. Gréco est une femme hantée. On découvre qu'elle est née au sein de la communauté de Monte Verità à Ascona, sur les bords du Lac Majeur.
Vaste nébuleuse qui, au début du XXe siècle, pendant près de 20 ans, réunit des végétariens, des anarchistes, des théosophes.
Lieu fondateur dans l'histoire des arts et des formes, fréquenté par des personnalités comme Hermann Hesse, Kandinsky, Hugo Ball, Hans Arp, Carl Gustav Jung. Et où naquit, avec Isadora Duncan, Rudolf Laban et Mary Wigman, la danse moderne.
C'est une sorte de Harold et Maude à trois. La naissance d'un amour, dans un paysage qui est lui-même une initiation.
C'est aussi un hommage à la villa E. 1027, personnage à part entière du récit, lieu un peu miraculeux, inclassable et souvent méconnu dans l'histoire de l'architecture. Avec en toile de fond, les relations pour le moins étranges qu'entretinrent Eileen Gray et Le Corbusier.
Il ne fallait pas parler de ma voisine, même dans son dos. Il ne fallait pas lui parler non plus. Elle n'avait pas demandé la permission d'être enceinte. D'ailleurs, elle faisait plein de choses sans autorisation. Je crois qu'elle sautait par-dessus le portail, quand elle n'avait pas encore le droit d'avoir une clé. Moi non, mais je me cachais pour écrire, parce que je n'étais pas bien sûre que ce soit permis.
Je regardais le fils de ma voisine, tout de travers dans sa poussette, les orbites pleines de soleil, en me demandant quel interdit l'empêchait de bouger, de voir, d'entendre, de parler, de lever une main pour s'essuyer la bouche. Je regardais sa mère et je l'admirais en cachette. Je l'admirais d'avoir fait ça, un gosse défendu qui bavait et coinçait tout le ciel dans ses yeux. J'avais honte aussi, parce que le pauvre.
J'ai écrit cette histoire sans aucune autorisation, même pas la sienne, même pas celle de sa mère, juste pour dire en retard il est beau ton fils, en traversant la cour avant d'ouvrir le portail.
Cette édition réunit pour la première fois tous les textes que le poète Jacques Dupin a consacrés à Giacometti : le tout premier, écrit pour les Cahiers d'art en 1954, les Textes pour une approche, huit ans plus tard, celui que le poète donne pour le catalogue de la grande exposition de 1978 à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence, l'introduction à la publication des Écrits de Giacometti, le récit de son expérience de modèle de Giacometti dans le livre publié par André Dimanche, et ce texte ultime que Jacques Dupin confie au magazine Télérama pour le numéro de 2007. Un poème enfin clôt ce recueil, extrait de « La mèche » qu'à la veille de sa mort Jacques Dupin donne à la revue Europe qui consacrait un numéro spécial au poète. Il s'y souvient de l'atelier d'Alberto, de son rire, des « figures amincies » qu'il façonnait à longueur de nuit et de leurs promenades communes, associant dans une ultime connivence sa boiterie récente à celle que conservait Giacometti, « moi boitant bas / lui clopinant ». De 1953 à 2012, c'est ainsi plus d'un demi-siècle d'attention que Dupin aura accordée à une oeuvre si forte, connue de près, intimement éprouvée dans son élaboration même, avec son exigence et ses doutes, et cependant toujours perçue dans la distance et le vide qui l'entourent.
Dominique Viart, professeur de littérature française à l'université de Paris Nanterre, a rassemblé et préfacé ces textes. Il écrit : « Si les textes de Dupin s'avèrent si justes, ce n'est pas seulement qu'ils sont nés de la grande affinité personnelle entre le poète et l'artiste, c'est aussi et surtout que leurs démarches respectives se comprennent l'une à la lumière de l'autre. Il y va, écrira Dupin, d'un "partage énigmatique" ».
Qu'est-ce qu'un bébé ?
Pourquoi si peu de bébés dans la littérature ?
Que faire des discours qui les entourent ?
Pourquoi dit-on « bébé » et pas « le bébé » ?
Qu'est-ce qu'une mère ? Et pourquoi les femmes plutôt que les hommes ?
Qui n'a pas rêvé d'être un écrivain américain ? Alors j'ai écrit un roman de Donovan Gallagher et deux romans de Tom Lee Mulligan. Disons que je les ai traduits.
Ce qui s'est réellement passé à Stonebrige, Donovan Gallagher : Quand il débarque à Stonebridge, Roy Steven est persuadé qu'un fait divers va s'y produire. Il n'a pas tort, mais les choses vont se passer un peu différemment de ce qu'il avait imaginé...
Comment écrire un roman, selon Price, Tom Lee Mulligan : Bryan décide sur un coup de tête d'écrire un roman. Il demande à son ami Price, un célèbre écrivain, une liste de conseils. Mais Price semble jouer un drôle de jeu, rapport à Carol.
Runaway Bay, Tom Lee Mulligan : À Runaway Bay, il y a un lac, un bar, une épicerie, un garage, accessoirement un golf, et les pluies d'été du Texas. Jeff y mène sa petite vie tranquille jusqu'au jour où Montana arrive. Puis Sam.
La première édition de ce livre culte, premier livre de Leslie Kaplan en 1982, a d'abord été publié dans la collection Hachette/P.O.L et repris en 1987 par P.O.L. L'excès-l'usine montre de face l'usine, le travail à l'usine et le devenir de ceux qui y vivent, leur enfermement dans cet espace immense, dans « la grande usine univers », infini en morceaux. L'usine est vécue au féminin, ce qui rend son impersonnalité d'autant plus impersonnelle (le « je » cède la place au « on ») et le « cela » vécu dans l'usine dépasse, excède tous les mots qui pourraient le décrire, ces mots sont en trop.
Cette nouvelle édition est augmentée de la préface originale de la première édition : un entretien avec Marguerite Duras réalisé en janvier 1982 ; ainsi que du texte de Maurice Blanchot paru dans le journal Libération du 24 février 1987.
« Je crois qu'on n'a jamais parlé de l'usine comme vous le faites. Elle est complètement autre chose, elle est comme à l'origine d'un autre temps. On la reconnaît. C'est très impressionnant. Comme une donnée commune. Même à tous ceux qui n'ont jamais abordé ça. » (Marguerite Duras).
« Des mots simples, des phrases courtes, pas de discours, et au contraire la discontinuité d'une langue qui s'interrompt parce qu'elle touche à l'extrémité. C'est peut-être la poésie, c'est peut-être plus que la poésie. » (Maurice Blanchot).
La première édition de ce livre date de 2004.
L'oeuvre d'Edouard Levé, fulgurante mais dense, est partagée entre photographie et littérature. L'influence de l'art contemporain est particulièrement marquée dans ce Journal qui se présente comme une tentative de neutralisation du monde et du sujet par la réécriture de « rubriques ». Edouard Levé présentait lui-même son livre ainsi : « Dans mon prochain livre, Journal, j'ai repris des articles publiés par des quotidiens et des agences, et j'en ai effacé les référents historiques, géographiques, et patronymiques. J'ai mis l'ensemble au présent de l'indicatif. J'ai récrit certains passages, j'en ai supprimé d'autres, de manière à blanchir une écriture déjà anonyme et collective, celle du journalisme mainstream. Cette réécriture produit un effet de soudain éclaircissement, non pas sur l'événement, mais sur la manière dont on le traite. Lorsqu'on lit le journal, on cherche à être informé :
Qui, quand, où ? En lisant Journal, on est informé sur la manière d'informer. La mise à distance produit un effet d'inquiétante étrangeté. En lisant telle information de la rubrique « International », j'ai un sentiment de déjà-vu, de proximité et de distance simultanées. » Tout y passe et demeure très actuel plus de 15 ans plus tard : terrorisme, guerre civile, guerre, dictature, catastrophe, diplomatie, politique, économie politique, agriculture, manifestation, religion, people, vie sociale, vie locale, transport, accident, médias, justice, suicide, viol, pédophilie, drogue, vol, folie, science, technologie, annonce immobilière, annonce de décès, annonce de naissance, offre d'emploi, météo, sport, littérature, art, musique, théâtre, danse, cinéma, télévision.
Une anthologie, illustrée, de la littérature japonaise sur la cuisine, et proposée par Ryoko Sekiguchi. Si le Japon est connu comme un pays de fine gastronomie, sa littérature porte elle aussi très haut l'acte de manger et de boire. Qu'est-ce qu'on mange dans les romans japonais !
Parfois merveilleusement, parfois terriblement, et ainsi font leurs auteurs : Kôzaburô Arashiyama, Osamu Dazai, Rosanjin Kitaôji, Shiki Masaoka, Kenji Miyazawa, Kafû Nagai, Kanoko Okamoto, Jun'ichirô Tanizaki...
Ryoko Sekiguchi a rassemblé, du 12e siècle à nos jours, dix gourmets littéraires qui racontent leurs histoires de goût et de cuisine. Le titre du recueil, Le Club des Gourmets, est emprunté à l'oeuvre de Jun'ichirô Tanizaki. Ryoko Sekiguchi a également écrit toutes les présentations des textes et réalisé les traductions des oeuvres citées en collaboration avec Patrick Honnoré.
«C'est par la misère que j'ai approché la vie.
La toile est liée à un drame fondamental.
La peinture, c'est un oeil, un oeil aveuglé, qui continue de voir, qui voit ce qui l'aveugle.
N'être rien. Simplement rien. C'est une expérience qui fait peur. Il faut tout lâcher.
Pour être vrai, il faut plonger, toucher le fond.
La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie. Je ne fais que chercher la vie. Tout ça échappe à la pensée, à la volonté.».
Bram Van Velde.
Il s'agit ici, ni plus ni moins, et comme le titre l'indique, d'un autoportrait.
Ainsi l'auteur ne nous cache-t-il rien de ce qui le constitue, le désigne au regard des autres comme au sien, tant sur le plan physique que psychologique, voire sentimental ou sexuel, politique, philosophique, esthétique... Et il joue complètement le jeu. D'abord, loin d'une prétendue et affichée « sincérité », par une objectivité radicale qui passe aussi bien par la crudité, que la trivialité, ou la banalité. Ensuite par une totale absence de complaisance dans la mesure où chacune de ses propositions ne tolère ni délayage ni sensiblerie et ne s'entoure d'aucune précaution.
C'est que, sans y toucher, discrètement mais inéluctablement, la forme de ce texte en définit la morale. Il s'agit de phrases sèches, factuelles, sans aucun effet visible. Seule leur accumulation finit par provoquer cet effet d'individualité universelle qui, au-delà de l'anecdote, emporte une adhésion fascinée.
Beaucoup d'écrivantes - et vous en faites partie - rencontrent, au cours de leurs projets, obstacles et chausse-trapes. Ces deux ateliers ont pour but de vous aider à les contourner ou à les franchir plus vite que si vous deviez le faire seule.
Dans l'«atelier de poche», je propose une dizaine d'exercices d'écriture accompagnés de suggestions, précisions et conseils, réflexions et titres d'ouvrages qui vous aideront à «construire le labyrinthe» - une nouvelle, une autofiction, un roman - que vous désirez écrire.
Dans l'«atelier en solo», je partage des textes courts : contes, nouvelles, projets ou amorces de livres écrits ou en écriture. J'espère que vous trouverez dans ces deux ateliers de quoi concevoir et fabriquer vos propres outils et vos propres textes.
C'était un des poètes les plus importants de sa génération : « Tarkos en poche, c'est pour que vous le lisiez » (Nathalie Quintane dans sa présentation).
Voici en format poche la première anthologie originale pour (re)découvrir l'oeuvre poé- tique de Christophe Tarkos (1963 - 2004) et rendre accessible à tous, ses poèmes et ses textes les plus connus. « Ma langue, écrivait Tarkos, est poétique par tous ses pores, par tous ses membres, le long de toute sa sublime sensibilité révélée par ses mots magiques, tous ses mots, le moindre de ses mots... » Nathalie Quintane et Valérie Tarkos ont rassemblé les principaux textes et poèmes qui ont fait la notoriété du poète comme Le Petit bidon, Le bonhomme de Merde, Je gonfle ou Manifeste Chou... Mais aussi plusieurs textes extraits des recueils L'argent, Caisses, Pan.
Nathalie Quintane a rédigé pour ce volume une présentation inédite du poète et de son oeuvre.
Tous présidents !
Le président de la République multiplie les « visites surprises » un peu partout dans le pays. Visites de plus en plus étranges et loufoques. Mais un beau jour, ça suffit. L'Élysée fait une communication : « Un imposteur usurpait la place, le rôle, la figure, l'image du président. » Mais ce faisant il les questionne, et il enclenche dans toute la société un mouvement où chacun s'approprie ce personnage de président. Il suffit de mettre une perruque et de prendre la parole. Le mouvement devenu général provoque en retour la peur, des petits groupes réactionnaires pro-police, pro-ordre se forment :
« Chacun à sa place », « Que rien ne bouge », « À bas l'angoisse ». Que faire ? Actions, interventions, associations, graffitis.
Les écoliers s'y mettent, écrivent eux aussi sur les murs... Répression, fureur, nouveaux partis politiques... « On était dans un drôle de moment. ».
Leslie Kaplan propose ainsi une nouvelle fable politique, après Désordre (2019). Un texte très sérieux et très drôle à la fois, sur la folie du monde dans lequel nous vivons.
'Ne laisse pas ma part obscure me parler. Je me suis dispersé là-bas. Je suis obscur. Mais là, même là, je t'ai aimé à la folie. Je me suis perdu et je me suis souvenu de toi...
Maintenant je reviens vers ta source. En feu. Le souffle coupé. Personne pour m'en empêcher. Je vais la boire. Je vais en vivre. Je ne suis pas ma vie. Je vis mal de moi. J'ai été ma mort.' Livre XII, 10 'Interpellations, confidences, exhortations, aveux, micro narrations, souvenirs, hymnes, fictions, louanges, analyses exploratoires, déplorations, cris, anathèmes, psaumes, discours, chants...
J'ai voulu, par une nouvelle traduction intégrale du texte d'Augustin, rendre justrice à cette véritable odyssée personnelle, à ce voyage intime dans le temps, la mémoire de soi et l'écriture. Augustin révolutionne ainsi la confession antique, détourne la littérature classique, et fait exploser les cadres anciens à l'intérieur desquels nous avons l'habitude de nous réfugier et de penser notre vie.' Frédéric Boyer.
2086. Les derniers êtres humains contemplent les ruines de l'humanité. Les guerres ont cessé. La soif et la faim ont disparu. Les monstres que l'homme avait créés ont peu à peu déserté la surface du globe.
Fallait-il une si grande destruction pour que l'on puisse de nouveau s'émouvoir devant la simple beauté d'une rose?
Faudra-t-il que l'homme meure pour qu'il mesure la grandeur de ce qu'il a été?
Ce livre, paru en 2016, est constitué de micro-textes qui racontent l'enfance de l'auteur, sa carrière de policier, profession qu'il a longtemps exercée. Il décrit sa découverte de la littérature à partir d'un livre trouvé sur la plage où il travaillait comme maître-nageur-sauveteur des CRS. Ses souvenirs professionnels, parfois durs, souvent insolites, côtoient des constats, tendres et amusés, sur les enfants et sur nombre de situations du quotidien. Des figures récurrentes traversent ce récit éclaté (les parents, une soeur aînée d'une rare beauté) et une même langue simple et précise, doucement ironique, s'y fait entendre, lui donnant son unité et sa force. Une existence est ainsi reconstituée au fil des pages, dans un livre où l'expérience particulière rejoint le destin commun, un peu comme l'étaient les Je me souviens de Georges Perec.
À l'occasion d'un projet d'exposition sur La Ruine, la narratrice relate sa rencontre inopinée avec une héroïne oubliée du second Empire, la comtesse de Castiglione, dont elle tente de retracer l'existence à partir d'un recueil de photographies retrouvées dans sa bibliothèque. Cette femme, célèbre pour sa grande beauté, sa fatuité, sa fin lamentable, a entretenu un rapport très étrange avec son image : plus encore qu'aucun de ses contemporains, plus encore que Montesquiou, le modèle du Charlus de Proust.
La Castiglione a confié le sens de son existence à la photographie. Ancêtre des héros modernes de l'autoportrait, cette beauté fatale se rendait chez le photographe comme certains vont au coffre y placer leur bien. Et pourtant, la beauté semble avoir déserté ces clichés ; ne subsiste qu'une tristesse et une solitude effroyables. Croyant exposer sa seule beauté, elle demanda à la photographie de l'accompagner dans le ravissement comme dans l'abjection et surexposa l'effondrement de son existence.
Sous les bibelots d'un Empire à son apogée, la narratrice croise quelques questions toutes contem- poraines : l'effroi de son propre corps, la peur du regard de l'autre, l'attachement à quelques vestiges qui rassurent. Une image en fait surgir une autre, une femme en rappelle d'autres : l'autre femme, cruelle ou désirable. L'écriture, comme la photographie, permet de s'avancer au seuil de l'ombre, à la recherche de la mère tant aimée et de l'enfant qu'elle fut.