Rayons
- Littérature
- Jeunesse
- Bandes dessinées / Comics / Mangas
- Policier & Thriller
- Romance
- Fantasy & Science-fiction
- Vie pratique & Loisirs
- Tourisme & Voyages
- Arts et spectacles
- Religion & Esotérisme
- Entreprise, économie & droit
Support
Langues
Croquant
-
Voyoucratie et travail social : Enquêtes dans les quartiers de la politique de la ville
Thomas Sauvadet
- Croquant
- Champ Social
- 17 Août 2023
- 9782365123907
« On ne peut pas travailler ici comme on travaillerait dans un autre quartier », explique un éducateur dont le local se trouve à quelques mètres d'un spot de deal.
Les éducateurs de la prévention spécialisée et les animateurs sociaux des Quartiers de la Politique de la Ville (QPV) sont-ils des travailleurs sociaux « comme les autres » ? Cette enquête s'intéresse aux spécificités du travail social dans les QPV (1297 en France métropolitaine, 151 en outre-mer), définis par leurs taux de pauvreté, d'échec scolaire et de délinquance. Depuis les années 1980, ils ont été confrontés aux émeutes et, à partir des années 1990, à la professionnalisation du trafic de stupéfiants. Comment la prévention spécialisée et l'animation sociale se sont-elles adaptées à ces évolutions ? Comment éducateurs et animateurs peuvent-ils justifier salaires et subventions quand les jeunes « dont tout le monde parle » (sans les nommer) les ignorent ou les boycottent, lorsqu'ils ne les chassent pas du quartier ?
Telles sont les questions posées au fil des dix-sept études de cas de cette enquête qui commence dans les années 2000 et se termine quinze ans plus tard. -
Le Sahel est une catégorie, comme toutes les catégories qui s'appliquent à l'Afrique, ethniques et géographiques entre autres, qui semble aller de soi. Evoquant les famines et les sécheresses des années 1970, les révoltes et insurrections qui se produisent dans toute cette zone depuis des décennies, le Sahel est vu avant tout comme une terre dangereuse. Peut-être en va-t-il ainsi parce qu'il s'agit d'une catégorie instable, hybride, intermédiaire entre le désert et la savane, entre le nomadisme et la sédentarité, entre des populations « blanches » (Touaregs, Maures), des populations « rouges » (Peuls) et des populations « noires », entre l'animisme et l'islam. Impossible donc de définir de façon stricte ce qu'il en est du Sahel, de ses limites, de ce qui le caractérise en propre. Il s'agit d'une notion totalement arbitraire qui ne doit son existence qu'à la consolidation que lui ont fait subir un certain nombre de savants coloniaux et dans la foulée des écrivains et des cinéastes africains dont le plus célèbre d'entre eux est Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du prix Goncourt 2021 pour son roman « La plus secrète histoire des hommes ». L'hypothèse de ce livre est donc que les problèmes de ce qui forme aujourd'hui le Sahel (en particulier la défaite de l'armée française) sont en grande partie le résultat d'une représentation figée de cette région géographique d'Afrique de l'ouest.
Points forts : invention coloniale du Sahel, critique des « intellectuels de cour » sahéliens, critique la littérature sahélienne comme porteuse d'une attitude pro-soufie, pro-animiste islamophobe, fémo et homonationaliste.
Bio-bibliographie Anthropologue, Directeur d'études émérite à l'EHESS, ancien rédacteur en chef des « Cahiers d'études africaines », spécialiste du Mali et de l'étude de l'ethnicité, de l'identité et du métissage.
Principaux ouvrages Au coeur de l'ethnie : ethnies, tribalisme et État en Afrique, avec Elikia M'Bokolo, La Découverte, 1985, rééd. La Découverte poche, 1999.
Logiques métisses : anthropologie de l'identité en Afrique et ailleurs, Payot, 1990, rééd. 1999.
Vers un multiculturalisme français : l'empire de la coutume, Aubier, 1996, « Champs », 2001.
Branchements. Anthropologie de l'universalité des cultures, Flammarion, 2001, « Champs », 2005.
L'Occident décroché. Essais sur les postcolonialismes, Paris, Stock, 2008, Fayard/Pluriel, 2010.
Rétrovolutions. Essais sur les primitivismes contemporains, Paris, Stock, 2010.
Avec Souleymane Bachir Diagne, En quête d'Afrique (s). Universalisme et pensée décoloniale, Paris, Albin Michel, 2018. -
Les structures sociales de l'action publique : analyser les politiques publiques avec la sociologie des champs
Vincent Dubois
- Croquant
- 12 Janvier 2023
- 9782365123648
Comprendre une politique publique, son orientation, son style, ses instruments, implique de reconstituer la structure des relations sociales qui sont à son principe. Parmi les différents outils mobilisables pour réaliser un tel programme, la sociologie des champs de Pierre Bourdieu apparaît particulièrement féconde. Ce livre illustre la portée d'une telle analyse, rarement mobilisée en matière d'action publique, en la mettant en oeuvre sur des objets très différents (politiques économiques, usages politiques de l'histoire, salubrité alimentaire, gestion de l'eau, politiques de l'Union européenne, etc.). Il rassemble des contributions de chercheurs du monde entier (Australie, Brésil, Canada, États-Unis, France, Suisse) travaillant sur ces pays et d'autres encore (Argentine, Pérou, Pologne). Sur cette base, cette réflexion collective propose une autre manière de voir et d'analyser les politiques qui affectent la vie des populations et régulent les sociétés contemporaines.
ComplémentÂ: points saillants du livre - Cet ouvrage se veut un manifeste théorique, méthodologique et empirique pour fonder sociologiquement l'analyse de l'action publique.
- Il propose la première mobilisation systématique des outils de la sociologie de Pierre Bourdieu pour l'analyse des politiques publiques.
- Il inscrit cette réflexion dans une perspective internationale.
Informations complémentairesÂ:
Auteurs Valentin Behr, chargé de recherches en science politique au CNRS.
Pierre Clément, maître de conférences en sociologie à l'Université de Rouen.
Joan Cortinas Munoz maître de conférences en sociologie à l'Université de Bordeaux, Centre Émule Durkheim, UMR 5116.
Stephan Davidshofer, enseignant et conseiller académique au Global Studies Institute de l'Université de Genève, Suisse.
Victor Demenge, doctorant en science politique à l'Université de Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Vincent Dubois, professeur de sociologie et science politique à Sciences Po Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Caroline Dufour, Professeure associée au département d'études politiques, York University, Canada.
Didier Georgakakis, professeur de science politique à l'Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, CESSP, UMR 8209.
Jonas Hagmann, chercheur en relations internationalrs à l'Université de Genève, Suisse.
Paul Hathazy, chercheur au CONICET, Buenos Aires, Argentine.
Thomas Hélie, maître de conférences en science politique à l'Université de Reims, LaSSP (Sciences PoToulouse).
Elisa Klüger, chercheuse postdoctorale au CEBRAP, São Paulo, Brésil.
VincentÂLebrou,Âmaître de conférences en science politique à l'Université de Reims, associé à SAGE, UMR 7363.
Thomas Medvetz, professeur associé en sociologie à l'University of California, San Diego, USA.
Arthur Morenas, doctorant en science politique à l'Université de Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Jérémie Nollet, maître de conférences en science politique à Sciences Po Toulouse, LaSSP, France.
Brian F. O'Neill, doctorant en sociologie à l'University of Illinois, Urbana-Champaign (USA) et à l' Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3.
Franck Poupeau, directeur de recherche au CNRS.
Florent Pouponneau, maître de conférences en science politique à Sciences Po Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Melaine Robert, doctorant en science politique à l'Université de Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Antoine Roger, professeur de science politique à Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim, UMR 5116.
Lili Soussoko, doctorante en science politique à l'Université de Strasbourg, SAGE, UMR 7363.
Amal Tawfik, chercheur à la Haute école de santé Vaud (HESAV, HES-SO), Suisse. -
Monsieur K survit dans une ville méditerranéenne. Une cité trempée dans le formol. Il est jeune. Il n'est pas spécialement heureux. Il n'est pas malheureux non plus. De toute façon, il n'a pas d'ambition particulière. Il est absent à lui-même. Il observe et attend puisque la vie est déconseillée sous ces latitudes.
Dans un taxi, il a une sorte de révélation. Il doit émigrer. Pour aller où ? Il n'en sait rien. Simplement l'appel de la vie, celle qu'on a « devant soi ». Il va alors entreprendre un périple en quinze stations comme autant de chapitres, chacun portant le titre d'un roman ou d'une nouvelle du maître Franz Kafka. Il essaiera de construire son destin malgré les obstacles aussi multiples qu'ubuesques. Obstacles s'obstinant à le ramener à la case départ dans ce qui s'apparente au grand jeu de l'oie de la vie.
Il découvrira la solidarité autant que la violence, l'amour et la vanité aussi, l'indifférence beaucoup, mais surtout un vaste champ où chacun doit fournir un effort surhumain pour se déplacer d'une seule case car il faut bien le dire, toutes les cases sont déjà occupées et personne ne vous attend jamais nulle part.
Cette épopée de la migration chez les jeunes des pays du Sud est une véritable comédie humaine où le temps ne s'écoule pas comme ailleurs. Monsieur K va accomplir son parcours mais aussi le raconter. Il manie avec brio une analyse cynique pour ne pas sombrer dans la folie du désespoir. -
Le cinéma amazigh est intéressant en tant qu'il est une continuité de la lutte pour la reconnaissance de l'identité amazighe en même temps que le dernier rempart conquis par la création artistique, vu que le rejet de l'utilisation de la langue amazighe au cinéma a duré plus longtemps que pour les autres arts. Cette dynamique est d'autant plus intéressante que, dès la sortie des films, la presse titrait que le cinéma amazigh était né, instituant le fait, discutable, de l'apparition d'un genre supplémentaire dans la cinématographie nationale. Ce cinéma cristallise une double rupture : le renouvellement des thèmes ; l'autorisation d'instaurer un secteur privé, indépendant. Cette ouverture, menée par des réalisateurs professionnels, est un premier signe de changement. La suite de l'histoire du cinéma algérien, dans une rupture totale avec le cinéma professionnel des réalisateurs salariés des entreprises étatiques, va bousculer tout ce qui a pu être produit ou observé.
-
Les trois points forts du livre 1. Cet ouvrage est, pour l'essentiel, le résultat d'un minutieux travail d'enquête dans le Caucase musulman. Il apporte un éclairage original sur une région de la Fédération de Russie méconnue, depuis l'époque brejnevienne jusqu'à aujourd'hui. Il permet de découvrir les populations des villages de montagne du Daghestan, république voisine de la Tchétchénie. Ce livre donne la parole à des populations d'ethnies et de classes diverses: enseignants, directeurs d'école, anciens kolkhoziens, nouveaux imams tout comme à des chercheurs, anthropologues, arabisants, historiens et géographes. 2. Rapport aux autorités locales et méthodes soviétiques de la recherche Par sa participation à des «expéditions» sur le terrain organisées par l'Académie des Sciences de l'URSS, l'auteure est régulièrement confrontée aux autorités du Parti sur place car elle dépend directement du chef d'expédition, qu'aux autorités centrales du Daghestan qui contrôlent tout déplacement dans les régions et l'accès aux archives. Ce livre revient sur les convocations par le KGB pour rendre compte de son travail et de ses enquêtes. Il revient également sur les stratégies qu'elle a su mettre en place pour contrecarrer les interdictions d'accès aux archives et à certaines régions du pays. 3. Enfin,la force de ce livre réside dans l'authenticité des portraits dressés sur la base d'entretiens: un ancien directeur d'école membre du Parti devenu salafiste après la chute de l'URSS; un ancien responsable de la propagande anti-religieuse devenu imam ; un spécialiste de l'athéisme à l'université devenu titulaire de la chaire d'islam ; des villageoises sur le parvis d'une mosquée qui expriment leur colère contre le nouveau régime. Ces portraits permettent d'approcher au plus près le vécu d'une population annexée par l'empire russe puis soviétisée. Davantage qu'ailleurs en Russie, la population est confrontée aux difficultés de la période post-soviétique : pauvreté grandissante, chômage, violence, attentats... Frédérique Longuet Marx, anthropologue, mène ses recherches de terrain dans le Caucase musulman depuis le milieu des années 1980. Elle enseigne la sociologie et l'anthropologie pendant près de trente ans à l'Université de Caen. Elle est également chercheur-associée au CETOBAC (Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques), chargée pendant de très nombreuses années d'un séminaire sur les musulmans du Caucase à l'INALCO puis à l'EHESS, Au moment des guerres de Tchétchénie, elle publie en 2003, Tchétchénie, la guerre jusqu'au dernierÂ? aux éditions Mille et une nuits.
-
La chambre d'echo - impromptu autour du lien qu entretiennent litterature et crise
Collectif
- Croquant
- 8 Mars 2022
- 9782365123402
« Il semble que la littérature peut être le greffier de la crise, en faire l'inventaire aussi bien que la radiographie, mais qu'elle doit craindre de se perdre dès lors qu'elle vise la résolution de la crise. » Cette phrase de Nicolas Mathieu résume ce livre qui tend un micro souvent décalé aux auteurs et autrices. Et il ajoute : « En espérant finalement que chaque crise soit une occasion pour la littérature, et que la littérature soit cette crise où nous sommes inlassablement refondus. »
-
Contestation sociale a bas bruit en russie - critiques sociales ordinaires et nationalismes
Clement Karine
- Croquant
- 11 Janvier 2022
- 9782365123198
Les conclusions présentées dans cet ouvrage s'appuient sur une enquête de terrain effectuée en 2016-2018, dirigée par l'auteure, et consacrée initialement au nationalisme ordinaire en Russie contemporaine1. Ce n'est que dans un deuxième temps que la problématique de la critique sociale ordinaire s'est imposée comme nécessaire pour éclairer toute la richesse des données collectées. Cette enquête a été menée avec l'aide d'étudiants et collègues de la Faculté des Arts libéraux et des sciences de l'Université d'Etat de St-Pétersbourg2 qui ont pris en charge certains entretiens ou certaines notes de synthèse. Les guides d'entretien, les premières impressions et premiers résultats ont été discutés collectivement. Je porte cependant l'entière responsabilité de l'analyse et de l'interprétation des données. Une évolution de l'objet L'enquête avait été pensée pour étudier le nationalisme ordinaire ou le rapport à la nation tel qu'il s'exprime au sein de catégories sociales différentes et dans p
-
Folie douce et fous enragés ; une anthropologie créole
Marlyne Dabrion
- Croquant
- 9 Février 2021
- 9782365122863
Ce parcours anthropologique illustre une réalité socio-culturelle à propos des représentations de la folie. Mais qu´en est-il de sa version créole ?
En Guadeloupe, pour évoquer la folie on distinguera principalement deux catégories : la folie douce et les autres qui incluent les formes violentes et graves avec le spectre du fou enragé. C´est une hiérarchie implicite, enfouie dans le subconscient. Elle correspond à une grille de lecture locale des comportements humains déviants qui reposent sur des faits réels où s´entremêlent représentations collectives et éléments de la cosmogonie guadeloupéenne où le surnaturel : Kenbwa, gadèd-zafé, sorcellerie, prédomine. Cette perception autochtone se situe hors de la nomenclature scientifique des pathologies mentales, mais elle est en revanche assez bien codifiée par la doxa populaire.Au voisinage du métissage et de la créolité la « folie douce » autant que les « autres folies » nous paraissent chargées de paradoxe.
-
Aux origines de la Turquie d'Erdo?an. : Etude sociologique du Foyer des intellectuels, un club élitiste dans la Turquie du XXe siècle
Bursa-Millet Zeynep
- Croquant
- Sociologie Hist
- 11 Janvier 2024
- 9782365123693
Zeynep BURSA-MILLET est docteure en histoire (EHESS) et ATER en science politique (Université Paris-Nanterre).
Résumé:
Club d'influence de droite, le Foyer des intellectuels (Aydınlar Oca?ı) a doté l'État turc d'une nouvelle idéologie, la « synthèse turco-islamique » qui lui a permis de se relégitimer à l'échelle nationale et internationale après le coup d'État de 1980. Les membres du Foyer des intellectuels ont joué un rôle notoire dans la formation intellectuelle et politique des cadres de l'AKP, dont en premier lieu Recep Tayyip Erdo?an. La politique extérieure « néo-ottomaniste » d'Erdo?an au Moyen Orient, en Asie centrale et dans le Caucase puise ses sources chez ces intellectuels et dans leur doctrine. Si les membres les plus actifs du Foyer des intellectuels ne sont généralement pas directement entrés en politique, ils ont su préserver une position privilégiée de « philosophes-roi » qui leur a permis d'être omniprésents dans la vie politique, culturelle et économique turque. Le succès de ce club a résidé dans sa capacité à oeuvrer au rétablissement de l'autorité de l'Etat turc à travers une reformulation de l'idéologie officielle et l'inspiration d'une série de réformes d'envergure.
Cet ouvrage propose une biographie collective des membres du Foyer des intellectuels pour comprendre comment ceux-ci se sont réunis et comment ils sont parvenus à construire dans les années 1970 et 1980 des réseaux politiques et intellectuels intégrant les dirigeants des partis politiques de droite, des universitaires et des journalistes de renom, les meilleurs espoirs de la jeunesse nationaliste, et jusqu'à des membres des forces armées et des institutions de la bourgeoisie turque.
Synopsis du livre :
Aux origines de la Turquie d'Erdo?an Etude sociologique du Foyer des intellectuels, un club élitiste dans la Turquie du XXe siècle.
La longévité du président Recep Tayyip Erdo?an, au pouvoir depuis près de 20 ans dans une Turquie naguère marquée par une forte alternance politique, a souvent été perçue comme une énigme. Un article publié le 21 décembre 2016 dans le journal Cumhuriyet (La République), fournit cependant des éléments de réponse. D'après le quotidien, « Erdo?an doit son pouvoir à Süleyman Yalçın ». Rédigé peu après les funérailles de ce dernier, cet article cite Süleyman Yalçın (intellectuel conservateur et professeur de médecine), pour évoquer de façon métonymique tout un collectif, le Foyer des intellectuels (Aydınlar Oca?ı), dont il fut membre. Né en 1954, Recep Tayyip Erdo?an s'est formé politiquement dans les années 1970, période au cours de laquelle les courants politiques de la droite turque se sont réunis autour de « la synthèse turco-islamique », la doctrine produite par le Foyer des intellectuels, fondé en 1970. Cette « synthèse » est considérée comme l'idéologie officielle d'Etat adoptée par le régime militaire après le putsch de 1980. Quant aux membres du Foyer, ils sont souvent présentés comme les idéologues ou les théoriciens de cette « synthèse ».
La synthèse turco-islamique définit l'islam sunnite comme un élément essentiel de l'identité turque. La supériorité de la Turquie et sa mission protectrice de l'Islam constituent deux points essentiels de cette doctrine, dans le prolongement de laquelle entend s'inscrire Erdo?an et son parti politique, l'AKP (parti de la justice et du développement). Cette imprégnation idéologique peut être clairement observée aujourd'hui dans sa politique étrangère « néo-ottomaniste », dans son rapport avec certaines minorités ethniques, politiques et religieuses comme les kurdes, les alévis, les chrétien d'Orient, mais aussi dans sa tentative d'islamiser le social, dans ses discours nationalistes et dans sa volonté de contrôler les universités. Pour comprendre les sources de l'idéologie politique de l'AKP un retour sur le contexte politique des années 1970 et 1980 s'impose. Le coup d'Etat de 1980, considéré comme le plus violent de l'histoire de la Turquie, survient après une décennie de forte conflictualité sociale, au cours de laquelle la droite turque s'est considérablement renforcée, avec l'appui de l'Etat. Rassemblée sous le slogan « islam turc », la droite turque a patiemment tissé des réseaux au cours des années 1970, qui correspondent à la période de formation politique des cadres de l'AKP. Erdo?an et ses camarades de parti ont connu leurs premières expériences militantes dans les associations de droite des années 1970 et ils ont été formés par les membres du Foyer des intellectuels.
Si des travaux universitaires font référence au Foyer des intellectuels et à sa « synthèse » pour expliquer la culture politique de l'AKP, ce club, qui est pourtant central dans l'histoire politique et intellectuelle de la Turquie, n'a jamais fait l'objet d'une étude à part entière. Notre livre constitue à cet égard l'étude la plus complète à ce jour. Notre ouvrage se veut une monographie approfondie du Foyer des intellectuels, étudié comme un groupe formalisé d'intellectuels conservateurs. Il repose sur un travail au long cours entendant dépasser l'histoire intellectuelle d'un groupe d'influence, formé majoritairement d'universitaires conservateurs, pour en proposer une véritable sociologie, permettant de mettre au jour les raisons de leur regroupement, leurs sensibilités, les moyens qu'ils mobilisent et les liens qui les unissent à divers autres groupes élitaires conservateurs. Notre livre s'inspire de la méthodologie prosopographique, dite aussi de « biographie collective ». Cette méthode permet d'aller au-delà d'une approche purement idéelle, pour sociologiser l'histoire intellectuelle et politique et dépasser les lectures partielles, qui se concentrent sur les aspects éducatifs et culturels de la « synthèse turco-islamique », sans rendre raison de la polyvalence du club et de son inscription dans de nombreux domaines de l'action publique. Ce travail permet ainsi de proposer une analyse empiriquement fondée, incarnée, et sociologiquement contextualisée du Foyer des intellectuels, mais aussi, plus largement, des rapports entre savoir et pouvoir en Turquie.
Cet ouvrage possède une dimension proprement interdisciplinaire. Si la démarche historique est fortement présente, il emprunte aussi beaucoup à la science politique et à la sociologie. Il s'inscrit dans la sociologie des élites et des intellectuels, la sociologie des sciences du gouvernement et la sociologie de l'action publique. Il vise à problématiser le statut d'universitaire, la production scientifique, l'expertise, les portées et limites de l'action publique. Notre démarche repose aussi sur une pluralité de sources: entretiens non-directifs et semi- directifs avec les membres du Foyer, entretiens semi-directifs avec les acteurs politiques de l'époque, archives des personnels des universités, archives nationales d'Etat, presse, imprimés, publications, témoignages, correspondances, photographies, archives audio-visuels, et observations in situ.
Selon ses statuts de 1970, le Foyer des intellectuels est un club élitiste : tous ses présidents doivent être professeurs d'université et les conditions d'adhésion sont très strictes. Dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes concentrée sur les trajectoires de 63 membres du Foyer : les 56 membres fondateurs et les sept membres qui l'ont rejoint au cours de ses premières années d'existence. L'étude de la composition socioprofessionnelle du Foyer nous a amenée à interroger le capital culturel et social de ses membres et leur multi-positionnement dans la vie politique, intellectuelle et sociale, aucun d'entre eux n'y étant entré par hasard. Dans cette optique, nous avons toujours gardé à l'esprit la nécessité d'étudier chacun des membres de ce club en tenant compte de leur appartenance à un collectif. Cela nous a permis d'expliquer comment les membres du Foyer sont parvenus à construire un réseau politique aussi conséquent.
La première partie du livre s'appuie sur une enquête prosopographique qui détaille les origines sociales, familiales, géographiques, les parcours scolaires et universitaires, les affinités idéologiques, religieuses et politiques, les premiers engagements et les lieux de sociabilités (cafés, réunions à domicile, mosquées etc.) des membres du Foyer des intellectuels. Cette partie propose ainsi une sociologie d'une génération politisée et formée à l'université. Dans cette première partie, nous traçons un profil collectif des membres du Foyer des intellectuels, qui sont nés majoritairement dans les années 1920 et ont été formés dans les écoles de la jeune République. Leur politisation remonte aux années 1940 et 1950, dans un climat politique marqué par la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. Les membres du Foyer des intellectuels ont constitué la première génération croyante de la République de Turquie : marqués par une éducation et une socialisation à l'occidentale, ces jeunes aspiraient à devenir les futurs intellectuels de la nation turque et les garants des valeurs nationales, religieuses et morales.
La deuxième partie du livre débute avec la fondation du Foyer des intellectuels : l'appartenance de ses membres à différents courants de la droite turque, le fonctionnement interne de ce club et son financement par la bourgeoisie conservatrice. Cette partie se concentre ensuite sur la « synthèse turco-islamique », son histoire et sa reprise par le Foyer des intellectuels dans les années 1970. L'originalité de cette partie du livre vient de son parti pris d'analyser cette doctrine de façon croisée avec les actions et le multi-positionnement de ses promoteurs. La « synthèse turco-islamique » réactualisée par le Foyer fait primer l'action politique concrète sur les récits théoriques et historiques. Au cours des années 1970 et 1980, cette doctrine est revendiquée de manière pragmatique dans la lutte contre la « menace communiste » avec l'objectif d'unifier les différents courants de la droite turque autour d'un même mot d'ordre pour construire un « front nationaliste », chacune des composantes de ce regroupement politique mettant tantôt en avant le nationalisme turc ou la défense de l'islam. La « synthèse » est ainsi devenue un slogan politique permettant de dépasser les divergences théoriques au sein de la droite turque. Présentée comme une nouvelle idéologie nationale, elle a servi de justification à une série de réformes d'envergure.
Une deuxième sous-partie se concentre sur la diffusion de cette « synthèse » dans la vie politique, culturelle et économique turque. Le Foyer des intellectuels ne s'est jamais défini comme un groupe de réflexion uni autour d'une revue politique ou universitaire. Ses membres ont choisi de mobiliser au mieux tous les outils de communication et propagande à leur portée. Le multi-positionnement des membres du Foyer a joué un rôle décisif dans la vulgarisation et la popularisation des idées turco-islamiques. L'analyse des outils de vulgarisation et de popularisation de ces idées nous permet de montrer comment elles ont trouvé un écho aussi large. Les postes et responsabilités des membres du Foyer des intellectuels dans les universités, la presse, les maisons d'édition, la télévision, la radio, leur ont offert une grande visibilité publique. Leurs entretiens et échanges avec des personnalités politiques et des intellectuels comme Mouammar Kadhafi, Roger Garaudy, Ahmed Ben Bella, Raymond Aron ou Eugène Ionesco montrent également qu'ils entendaient participer aux débats de l'époque sur le « communisme réel », les mobilisations sociales, la jeunesse contestataire, le marxisme, la culture nationale, la civilisation islamique, la reconfiguration des mondes musulmans et le rôle des intellectuels.
Cette sous-partie montre que la capacité des membres du Foyer à produire une syntaxe hégémonique n'a pas seulement permis de populariser les idées de ce club mais qu'elle les a rendues politiquement performatives. L'absence de cohérence interne de la « synthèse » ne doit ainsi pas être perçue comme un obstacle à sa large diffusion, bien au contraire. C'est parce qu'elle était éclectique et susceptible d'être reprise par de multiples acteurs, dans les champs les plus divers, que la « synthèse » a été redoutablement efficace et qu'elle continue d'être revendiquée aujourd'hui.
La troisième et dernière partie de notre livre propose d'analyser la période qui a suivi le coup d'Etat du 12 septembre 1980 à travers les trajectoires de trois membres importants du Foyer des intellectuels : Ayhan Songar (1926-1997, professeur de psychiatrie), Nevzat YalçıntaÅŸ (1933- 2016, professeur d'économie) et Sabahattin Zaim (1926-2007, professeur d'économie). Ces trois universitaires sont considérés comme les maitres à penser de Recep Tayyip Erdo?an. Nevzat YalçıntaÅŸ lui-même, a participé à la fondation du Parti de justice et du développement dont il fut député entre 2002 et 2007.
Après avoir analysé le profil, l'action et la production collective du Foyer dans les premières et deuxièmes parties, nous avons essayé de comprendre dans cette dernière partie comment le Foyer (et chacun de ses membres) a tiré son épingle du jeu après le coup d'Etat de 1980. Nous avons fait le choix d'aborder ce moment charnière autour de deux thèmes essentiels : la jeunesse et l'économie.
Les interventions du Foyer des intellectuels dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur sont connues en Turquie. Nous revenons à plusieurs reprises sur celles-ci, et abordons entres autres, les traductions et la rédaction des manuels scolaires par des membres du Foyer, le changement des programmes dans les écoles et les universités, la remise en cause de l'autonomie des universités, la mise en place des cours obligatoires sur la religion dans les écoles. Nous avons cependant également choisi de nous attarder sur Ayhan Songar, professeur de psychiatrie et médecin-légiste, pour mettre en avant le fait que le projet global du Foyer des intellectuels ne se limitait pas seulement aux réformes éducatives. Dans ce contexte, les recherches psychiatriques de Songar ont participé à la pathologisation des mouvements sociaux de gauche et à la disqualification de la jeunesse contestataire kurde et alévie. La popularisation de ses recherches par l'ensemble du Foyer montre également la grande capacité de ce club dans la production de policies.
Quant au choix de nous attarder sur l'économie et les trajectoires des professeurs d'économie du Foyer, il s'explique par une volonté de faire ressortir leur influence sur l'orientation des politiques économiques turques, qui demeure méconnu. On trouve en effet peu de travaux évoquant leur rôle dans la transformation de l'économie turque après le coup d'Etat de 1980. Nous analysons pour ce faire leurs approches de la question économique et surtout leurs réseaux dans les institutions financières, des mondes musulmans et au sein de l'élite turque, qui leur ont permis de mettre en oeuvre leurs propositions.
Dans son ensemble, notre troisième partie propose une réflexion sur l'usage de l'expertise dans différents secteurs de la vie politique turque, la relation entre l'apport individuel et la production collective. Elle propose enfin une sociologie de la production d'une syntaxe politique qui a encore cours aujourd'hui.
Notre ouvrage se termine sur une conclusion originale, qui essaie de faire le lien avec l'actualité politique en Turquie. Cette conclusion s'ouvre sur les funérailles des membres du Foyer, qui sont des symboles efficaces pour réviser le passé à l'aune de l'actualité, de la fin des années 1990 jusqu'à aujourd'hui. Recep Tayyip Erdo?an a en effet assisté aux funérailles des membres du Foyer en tant que le maire d'Istanbul, puis comme premier ministre et président de la République de la Turquie. Dans cette conclusion, les membres du Foyer des intellectuels apparaissent une dernière fois comme maitres à penser des cadres politiques de l'AKP, malgré l'anti-intellectualisme de ce dernier.
Table des matières INTRODUCTION Une sociologie des élites turques Une relecture généalogique et générationnelle de droite turque depuis les années 1970 Les rencontres avec les membres du Foyer des intellectuels, entre kémalisme et erdo?anisme Les maitres à penser du président turc PREMIERE PARTIE : UN PORTRAIT DE GROUPE Chapitre I : Origines et socialisation I) Le profil social 1) Une génération née dans les années 1920, les oedipes du kémalisme ?
2) Une jeunesse provinciale ?
3) Du village à la nation : L'importance de la ville natale 4) Le milieu familial 5) La place centrale de la religion 6) Les épouses, des femmes croyantes et républicaines II) La formation intellectuelle 1) Scolarité et études 2) Les grandes influences : les professeurs juifs allemands de l'université d'Istanbul et Muhammad Hamidullah 3) Etudier à l'étranger, un passage obligé 4) Les réseaux scolaires, des lycées au Foyer 5) Faire carrière : les fonctions extra-universitaires des universitaires Chapitre II : La politisation et l'engagement associatif I) Les lieux de rencontre 1) Les salons de thé historiques d'Istanbul 2) Fethi Gemuhluo?lu, le socrate du café de Beyazıt 3) Espace privé comme lieu de discussion 4) Les réunions dans les mosquées II) Un militantisme nationaliste et anticommuniste 1) Faire face aux procès judiciaires 2) Les funérailles du maréchal, une manifestation islamiste ?
3) L'interdiction de l'Association des nationalistes 4) Les inspirations du Foyer DEUXIEME PARTIE : PENSER POUR AGIR, DU SAVOIR AU POUVOIR Chapitre 1 : Un projet global, « la synthèse turco-islamique » I) La fondation du Foyer 1) La mission politique 2) Le financement du Foyer par la bourgeoisie pieuse II) La présentation de la doctrine 1) Les origines historiques de la « synthèse turco-islamique » 2) La synthèse : une syntaxe politique des années 1970 aux années 2000 Chapitre 2 : Une prétention scientifique et politique I) La plume, une arme 1) Des livres politiques et universitaires dans un contexte de lutte idéologique 2) Les interviews du Foyer 3) Tercüman, le journal d'opinion de la droite turque 4) Gérer les maisons d'éditions de droite II) Produire, éduquer, servir 1) La TRT (Radio et télévision de Turquie), un champ de bataille 2) Les conférences et les colloques : des rituels de droite 3) L'institut des sciences sociales : former la jeunesse nationaliste pieuse TROISIEME PARTIE : LE FOYER AU POUVOIR Chapitre 1 : L'endoctrinement de la jeunesse I) La constitution de 1982, l'enrégimentement de la culture et de l'éducation 1) Islamiser l'éducation 2) La création du conseil de l'enseignement supérieur 3) L'officialisation de la « synthèse » II) La pathologisation de l'engagement politique 1) La trajectoire d'Ayhan Songar, professeur de psychiatrie, président du Foyer 2) La « synthèse turco-islamique » et la psychiatrie 3) Entre Freud et Allah 4) La jeunesse kurde et alévie au coeur des recherches psychiatriques Chapitre 2 : Défendre une économie libérale et islamique I) Deux économistes-rois 1) Le parcours de Nevzat YalçıntaÅŸ, homo economicus 2) Le parcours de Sabahattin Zaim, homo islamicus II) La science économique et l'islam 1) Turgut Özal, économiste, premier ministre et sympathisant du Foyer 2) Ouvrir la Turquie vers une globalisation nationale ?
3) D'Ankara à Djeddah : L'économie islamique et le rôle du Foyer CONCLUSION (25 000 signes) Les funérailles des membres du Foyer des intellectuels Quel héritage politique et intellectuel pour la Turquie d'Erdo?an ?
Annexes 1) La liste originale des membres du Foyer des intellectuels (archives privées de Metin EriÅŸ, secrétaire général du Foyer des intellectuels entre 1970 et 1988).
2) Les photographies d'enfance et de jeunesse des membres du Foyer des intellectuels (archives privées de Metin EriÅŸ, Nevzat YalçıntaÅŸ, et Ergun Goze).
3) Les photographies des activités politiques du Foyer des intellectuels (archives privées d'Ergun Goze et de Metin EriÅŸ).
4) Le programme du séminaire intitulé « Les problèmes socio-culturels et économiques de la Turquie », les 28-29 avril 1979.
5) La défense de Nihal Atsız, une figure éminente du nationalisme turc des années 1930 et 1940 (copie originale, archives privées de Nihat Bozkurt).
6) Les contributions des membres du Foyer des intellectuels aux revues de droite des années 1940 et 1950.
7) Deux lettres du Foyer des intellectuels au premier ministre Turgut Özal (archives privées de Metin EriÅŸ).
8) « Bir Durum Muhakemesi « (Analyse de la situation), un rapport envoyé aux élites politiques en 1988 (Archives privées de Metin EriÅŸ).
9) Bulletin de presse du séminaire « Les causes qui ont amené la Turquie au 12 septembre et leurs enjeux » (Archives du Foyer des intellectuels).
10) La liste des actes des colloques et des conférences du Foyer des intellectuels.
11) La liste des réunions d'hommages organisées par le Foyer des intellectuels.
12) La liste des entretiens avec les membres du Foyer des intellectuels.
13) La liste des entretiens avec les témoins politiques et intellectuels des années 1970 et 1980.
14) Notices biographiques des membres du Foyer des intellectuels. -
Contester la race, reproduire la classe ? les clubs de cadres et dirigeants racialisés face à l'idéologie dominante de réussite
Samina Mesgarzadeh
- Croquant
- 11 Janvier 2024
- 9782365123761
La racialisation de la représentation de la société française depuis le milieu des années 2000 fait l'objet en France de vifs débats. Pour les uns, l'émergence de collectifs mobilisés autour de l'appartenance à un groupe discriminé en raison de sa couleur de peau, de sa religion ou de ses origines s'inscrirait dans une dynamique d'émancipation. Pour d'autres, elle s'inscrirait dans une dynamique de conservation de l'ordre social, en occultant les privilèges de classe des dominants et en détournant les dominés de la lutte des classes.
Comment la contestation des hiérarchies de race s'articule-elle à la contestation des hiérarchies de classe ? Cet ouvrage revisite ce débat à partir d'un terrain original : les clubs de cadres et de dirigeants économiques racialisés comme noirs, musulmans ou issus de la diversité. Ces collectifs, qui luttent contre les préjugés auxquels leurs membres sont collectivement associés et qui revendiquent l'accroissement du pouvoir économique de leur groupe, constituent un lieu privilégié pour observer les articulations entre contestation et conservation des hiérarchies de race et de classe. Bénéficiant pour certains du soutien du grand patronat français et de la droite politique arrivée au pouvoir en 2002, et financés par les mondes de l'entreprise, ils interrogent également les relations que ces clubs nouent avec les sphères patronales, politiques, et économiques.
A travers une approche relationnelle, l'ouvrage objective les rapports plus ou moins critiques ou conformistes que ces clubs entretiennent avec une idéologie dominante de la réussite reposant, en France, sur deux piliers : la norme d'acculturation et d'invisibilisation de la différence, et la norme méritocratique. Il donne à voir un espace de lutte non-unifié, plus ou moins proches des sphères de pouvoir, et socialement stratifié, au sein duquel les clubs rassemblant les acteurs les plus dotés socialement manifestent le plus de conformité à cette idéologie dominante de la réussite. L'ouvrage démontre ainsi que les propriétés de classe des dirigeants et membres de ces clubs sont décisives pour comprendre leurs rapports avec une norme d'intégration républicaine et une norme méritocratique qui contribuent, de pair, à légitimer l'ordre social. -
Le nouvel esprit du service public
Romain Pudal, Jérémy Sinigaglia
- Croquant
- Champ Social
- 11 Janvier 2024
- 9782365123785
Au cours des dernières décennies, les multiples réformes des services publics ont transformé le travail des agents de la fonction publique. Présentés sous la forme d'entretiens, une succession de portraits sociologiques de fonctionnaires titulaires ou non, permettent d'éclairer les transformations saillantes du travail dans la fonction publique d'aujourd'hui : dégradation des conditions de travail et d'emploi, dilution des identités professionnelles, altération du « sens » du métier, perte d'autonomie et confrontation à des logiques hétéronomes, etc. Ces portraits permettent d'expliquer en quoi consiste le « nouvel esprit du service public » que véhiculent ces réformes et que les agents sont sommés, plus ou moins directement, de mettre en oeuvre. Qu'ils adhèrent, qu'ils résistent ou qu'ils « fassent avec », ces logiques qui transforment les fonctionnaires en prestataires et les usagers en clients, font que le sens même du service public et des métiers correspondants est bouleversé.
-
Routes africaines de la migration : Dynamiques sociales et politiques de la construction de l'espace africain
Salim Chena, Aïssa Kadri
- Croquant
- Societes Et Politique En Mediterannee
- 11 Janvier 2024
- 9782365123983
Routes africaines de la migration.
Dynamiques sociales et politiques de la construction de l'espace africain.
Les migrations africaines sont le plus souvent perçues au travers d'un prisme européen, et construites comme un inéluctable mouvement de population du Sud vers le Nord - quand il n'est pas simplement présenté comme une « invasion ». Les contributions réunies dans cet ouvrage entendent battre en brèche ce qui n'est, au mieux, qu'une simplification marque d'ignorance ou, au pire, un discours politique situé dans le sillage de la détestation voire de la haine.
En s'intéressant aux migrations des Africain.e.s à l'intérieur de l'Afrique, dans une perspective résolument pluridisciplinaire et multi-située, réunissant des chercheur.e.s des deux rives, ce travail collectif n'entend pourtant pas faire l'impasse sur les tensions entre marginalisation et intégration des Africain.e.s au cours de leurs mobilités au sein de leur continent, parfois aussi parsemées de violences multidimensionnelles exercées ou subies. Néanmoins, cette construction de l'Afrique par les Africains relient entre eux des espaces différenciés via le travail, la technologie, l'habitat, le nomadisme, l'éducation, les solidarités pour créer tant des lieux que des réseaux qui maillent du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest un continent d'une complexité régulièrement négligée, si ce n'est escamotée.
Ont participé à cet ouvrage : Emmanuel Alcaraz, Filippo Bignami, Blaise Bitegue dit Manga, André Bourgeot, Jeanne Bureau, Salim Chena, Annelie Delescluse, Imane El Fakkaoui, Gilles Ferréol, Moha Ennaji, Aissa Kadri, Nasima Moujoud, Zohra Omar Moussa, Joëlle Palmieri, Seydou Lankoande, Oriol Puig Cepero, Niandou Touré, Salimata Traoré.
Table des matières - « Introduction », Salim Chena et Aïssa Kadri - « L'Afrique des Africains. Perspectives comparées au travers des migrations », Salim Chena Première partie Des migrations entre marginalisation et intégration - « Afrique du Sud : la xénophobie et le sexisme, un héritage de la colonisation et de l'apartheid », Joëlle Palmieri - « Les migrants subsahariens en Tunisie : migrants en transit ou minorité en formation ? », Emmanuel Alcaraz - « Les insertions urbaines des migrants camerounais dans la ville d'Oran (Algérie) : habitats et lieux de sociabilité », Jeanne Bureau - « Migrantes subsahariennes à Casablanca entre activité commerciale et intégration socio-économique », Imane El Fakkaoui - « Les activités des migrants subsahariens au Maroc au prisme du corps » OU « la mort des Subsahariens au Maroc », Annelie Delescluse - « Coopération culturelle et mobilité internationale pour études des Maliens au Maroc et en Algérie », Niandou Touré - « Les migrations intra-africaines : une approche interculturelle. L'exemple gabonais », Blaise Bitegue, dit Manga, et Gilles Ferréol Deuxième partie D'une région à l'autre : construction de l'espace, communautés et circulations - « Solidarités et circulations entre l'Anti-Atlas et Casablanca. Des dynamiques de genre et de générations », Nasima Moujoud - « Mobilités et flexibilité dans deux sociétés touarègues », André Bourgeot - « Sur les rives de la mer Rouge, Djibouti, une plaque tournante de mouvements de population », Zohra Omar Moussa - « Indicateurs d'éducation dans les pays de l'UEMOA dans un contexte de crise sécuritaire : rôle des transferts de fonds des migrants », Seydou Lankoande et Salimata Traoré - « Migrants and mobile people: tracks and patterns of platform urbanization in the city of Fès », Moha Ennaji et Filippo Bignami.
- « L'Union européenne au Niger et les Nigériens en Europe : mobilités et frontières », Oriol Puig Cepero - « Conclusion », Salim Chena et Aïssa Kadri -
Sacralité politique t.2 ; pas de société sans autotranscendance
Marc Weinstein
- Croquant
- 17 Septembre 2020
- 9782365122535
Notre époque chaotique a perdu tout repère social et humain. Une vision anthropologique large permet de retrouver une première balise : l´autotranscendance. L´autotranscendance est le fait que, dans les sociétés humaines avant le capitalisme industriel, la puissance horizontale du peuple montait spontanément en verticalité. Certains Amérindiens dressaient un totem, les Grecs honoraient la « cité-belle-et-bonne ». La thèse ou l´hypothèse de cette brève enquête est que l´autotranscendance est un invariant constitutif de toute société humaine. Aujourd´hui il est bloqué. L´heure est venue de le débloquer par une pratique large de l´esthétique sociale : le fanatisme économique ne refluera durablement que devant l´assaut du théâtre, de la musique, de la danse, et de toute autre esthétique collective à inventer. Il faut renouer avec le mot de Brecht : « Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l´art de vivre. »
-
Les dossiers de l'écran ; controverses, paniques morales et usages éducatifs des écrans
Laurent Tessier, Arnaud Saint-Martin, Collectif
- Croquant
- 17 Septembre 2020
- 9782365122573
-
Savoir/agir n.61-62 : Les usages sociaux de l'anglais : Diffusion de l'anglais et recompositions des capitaux par l'international
Collectif
- Croquant
- Savoir/agir
- 11 Janvier 2024
- 9782365124126
Les travaux contemporains sur les classes sociales en Europe, mêlant étroitement objectivation de la structure sociale, sociologie de la culture et sociologie de l'éducation, ont suggéré la centralité des ressources cosmopolites dans la reproduction des inégalités sociales et dans l'exercice de la domination symbolique qui soutient les dominations économique et politique1. L'acquisition de ressources internationales apparaît aujourd'hui comme une source de légitimité décisive pour accéder à des positions de pouvoir à l'intérieur des frontières nationales et au-delà2.
Pourtant, rares sont les travaux sociologiques contemporains en France qui objectivent finement le maniement de la langue anglaise, langue transnationale dominante et composante essentielle de ces ressources cosmopolites. L'anglais s'est en effet progressivement imposé comme langue mondiale, utilisée dans les échanges entre nationalités très différentes3. Dès l'accélération de sa diffusion en France au cours du dix-neuvième siècle, les formes de son apprentissage sont variées, hiérarchisées socialement et font l'objet de luttes4. Le faible niveau d'anglais supposé des Français, rengaine principalement portée par les réformateurs scolaires souhaitant adapter le système d'enseignement au marché du travail, alimente depuis plus d'un siècle et demi des débats récurrents sur son enseignement. Si cette déploration perdure, elle obscurcit plusieurs dynamiques historiques qui sous-tendent les évolutions des formes et des usages de l'anglais dans l'espace national : l'intensification des usages de l'anglais du fait de son statut de langue transnationale dominante, la réalité d'une distribution socialement très inégale de la maîtrise de cette langue, le déplacement du centre de gravité de l'espace social comme du système d'enseignement vers le pôle économique où les demandes de maîtrise de l'anglais sont vives, ou encore l'exacerbation de la concurrence scolaire et de la compétition entre grandes écoles, qui tendent elles aussi à accroître l'importance accordée à la maîtrise de cette langue. L'anglais et ses usages sociaux constituent donc un point d'entrée empirique fécond pour interroger les recompositions de l'espace social que produit la montée en puissance des ressources internationales dans les pratiques et les représentations nationales.
Face au paradoxe de la centralité de ce fait social comme du caractère heuristique de cet objet sociologique, d'une part, et du peu de travaux qui s'y confrontent directement, d'autre part, nous avons cherché avec ce dossier à susciter et à réunir des productions qui interrogent les usages sociaux de l'anglais dans des univers variés. Nous avons pour cela « passé commande » à des sociologues dont nous imaginions que les enquêtes empiriques pouvaient avoir croisé la question de l'anglais sans forcément l'avoir traitée de front. Nombreux et nombreuses sont les sociologues qui nous ont répondu qu'en effet, la question n'avait pas été prise à bras le corps au moment de l'enquête ou dans l'écriture, même si, rétrospectivement, elle apparaissait bien comme un enjeu important des mondes sociaux qu'elles et ils avaient étudiés. Certain·es ont accepté de retravailler en ce sens leurs matériaux d'enquête pour ce numéro et nous espérons que le caractère fécond de cette démarche inspirera de nouvelles enquêtes afin de compléter l'esquisse que ce dossier propose.
Les usages sociaux de l'anglais L'historien néerlandais Willem Frijhoff propose de considérer l'usage d'une langue comme une pratique culturelle dans une société donnée5. Cela implique de définir la totalité des positions qu'une langue peut adopter dans le jeu social, c'est-à-dire l'ensemble des situations dans lesquelles la langue en question peut jouer un rôle signifiant, soit en tant qu'instrument de communication, soit en tant que symbole d'autres valeurs qui renvoient à l'histoire de cette langue ou à la position réelle ou présumée de celles et ceux qui la pratiquent. À rebours du sens commun qui ne voit dans le recours à une langue qu'une fonction véhiculaire (de communication), ce dossier insiste sur les fonctions conjointes de sélection sociale et de distinction que remplit la maîtrise de l'anglais. Enfin, les articles soulignent les visions du monde qui voyagent dans la soute de cette langue avec laquelle les agents sociaux font bien plus que « communiquer ».
La sélection par l'anglais Un premier usage de l'anglais se trouve dans la fonction de sélection qui lui est de plus en plus assignée, que ce soit à l'entrée des formations prestigieuses ou de certains secteurs professionnels : cet impératif est aujourd'hui assimilé par certaines familles.
L'article de Marie-Pierre Pouly en début de dossier dresse un espace social de l'anglais, qui permet de comprendre où il est parlé en partant de la façon dont il est appris selon les fractions de classe. Ce sont dans les familles particulièrement dotées, d'abord en capital économique mais aussi en capital culturel, que les stratégies éducatives incluent largement l'apprentissage de l'anglais. L'étude de cas de Martine Court et Joël Laillier sur une famille de la bourgeoisie établie détaille ainsi la place socialement située de cette insistance sur l'apprentissage de la langue le plus tôt possible. Les stratégies de transmission précoce de l'anglais impliquent, pour ces familles, une variété de méthodes et une énergie considérable : consommation de produits culturels en anglais dès le plus jeune âge, voyages familiaux dans des pays anglophones, emploi de jeunes filles au pair, voire de nannies pour pratiquer l'anglais à domicile (ce que constate aussi Alizée Delpierre dans son article), scolarisation dans des écoles anglophones en France, voire expatriation dès l'enfance ou l'adolescence dans les pensionnats anglais, ou suisses, comme le souligne l'article de Caroline Bertron. Elle montre d'ailleurs que si les offres des écoles suisses étaient autant francophones qu'anglophones au début du vingtième siècle, elles sont aujourd'hui bien plus souvent anglophones en raison de la demande accrue des parents, actant la domination de l'anglais comme première langue internationale sur laquelle les familles portent leurs investissements économiques et temporels. Toutes ces stratégies d'apprentissage précoce, héritées de l'aristocratie, historiquement plutôt tournées vers l'anglais britannique, ont pour enjeu d'en faire une langue qui ne soit pas étrangère, dont le rendement scolaire soit pleinement efficace, notamment pour l'entrée dans les grandes écoles françaises, voire les établissements anglophones prestigieux et, in fine, dans les carrières professionnelles envisagées pour les enfants. Dans les classes supérieures, et notamment celles qui cumulent ressources économiques et culturelles, les compétences en anglais peuvent donc être particulièrement élevées avant l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Au niveau des formations, cause ou conséquence de cet investissement des familles aisées et de la concurrence que se livrent les institutions scolaires pour les capter, l'anglais se transforme en outil de sélection scolaire prétendument objectif. C'est déjà la thèse de Gilles Lazuech en 1996, dans son enquête portant sur 300 écoles de commerce et d'ingénieurs, où il montrait la place de la maîtrise linguistique dans la lutte que se livraient les grandes écoles qui, pour deux tiers d'entre elles, exigeaient un niveau minimal dans deux langues étrangères pour l'obtention du diplôme6. L'obligation linguistique s'accentuait encore dans les très grandes écoles : dans 40 % d'entre elles, plus de 30 % des élèves effectuaient un séjour académique. Dans les près de trente années qui nous séparent de cette enquête, cette internationalisation s'est encore accélérée et la proportion d'étudiant·es des grandes écoles faisant un séjour à l'étranger lié aux études (stage ou séjour académique) a fortement augmenté7.
Cet impératif d'anglicisation des cursus a commencé dans les années 1960 par les écoles de commerce, comme le montre Anne-Catherine Wagner dans ce dossier, du fait de leur proximité avec les milieux d'affaires qui promeuvent depuis le dix-neuvième siècle des formes d'apprentissage « anti-scolaire » de la langue, encourageant des usages commerciaux et mondains. Les écoles d'ingénieurs étudiées par Adrien Delespierre s'y mettent à partir des années 1980, et les Instituts d'études politiques enquêtés par Ugo Lozach internationalisent leur cursus à partir des années 1990. Ugo Lozach souligne à quel point l'épreuve d'anglais est discriminante socialement, et montre à partir de données sur les candidat·es aux concours d'entrée dans les IEP que les indicateurs de possession d'un capital international les distinguent nettement de leur cohorte de lycéen·nes, ce qui vaut a fortiori pour les reçu·es au concours. L'anglicisation des cursus des IEP et des grandes écoles d'ingénieur témoigne des vocations désormais plus internationales de ces deux types d'écoles initialement tournées vers la production d'élites nationales. Adrien Delespierre éclaire ainsi la façon dont cette anglicisation s'inscrit dans un mouvement plus vaste de reconversion de la noblesse d'État qui se place désormais à la tête d'anciennes entreprises publiques qu'elle transforme à marche forcée en firmes de dimension mondiale.
L'usage sélectif de l'anglais opère d'ailleurs sur les marchés du travail internationalisés pour recruter des travailleurs. La maîtrise de cette langue peut ainsi être lue par les employeurs comme un signal d'autres compétences socialement désirables, comme le montre Alizée Delpierre à propos du critère de la maîtrise de l'anglais dans les pratiques de recrutement des particuliers qui emploient des domestiques. À l'échelle individuelle, on voit comment la très forte ascension sociale de Paul, diplomate dont Marie-Pierre Pouly détaille la trajectoire dans la rubrique Paroles, s'appuie sur cette ressource linguistique encore relativement rare à l'époque de ses études en IEP au début des années 2000, et qu'il savait utile sur le marché du travail. Dans l'hôtellerie de luxe, où les employé·es doivent servir une clientèle de classes supérieures internationales, la pratique de l'anglais est nécessaire pour monter dans la hiérarchie des postes interactionnels comme l'expliquent Amélie Beaumont et Thibaut Menoux. Si un séjour de travail de plusieurs mois était auparavant nécessaire pour espérer une promotion, l'arrivée de profils plus diplômés, aux origines sociales plus hautes, et qui maîtrisent davantage l'anglais avant d'entrer en poste, est aujourd'hui souvent plus efficace pour obtenir les postes les plus convoités du secteur. L'exigence d'une maîtrise d'un anglais conversationnel codé entraîne alors une formalisation croissante de l'anglais du luxe hôtelier, qui renforce à son tour l'effet de sélection par la langue à l'entrée du secteur.
De même que l'anglais n'est pas transmis dans toutes les familles, ou mis en avant dans toutes les formations, les univers professionnels où l'anglais est nécessaire pour communiquer et érigé comme barrière au recrutement ne sont pas situés aléatoirement dans l'espace social. On le trouve dans les secteurs des services, de la vente, et plus largement du commerce, où l'anglais s'est imposé comme la langue principale dès lors qu'il faut communiquer avec une clientèle internationale, comme pour le cas de l'hôtellerie de luxe. Dans certains espaces académiques, comme l'économie étudiée ici par Pierre Fray et Frédéric Lebaron, l'anglais s'est imposé comme la langue de travail principale, y compris en France. Il en va de même dans les entreprises très internationalisées, où les cadres communiquent en anglais (américain) ou alternent entre français et anglais avec aisance, ce dont rend compte ici Isabel Boni-Le Goff pour les cabinets de conseil. User de l'anglais pour sélectionner les travailleurs constitue ainsi un indicateur qui situe socialement, par l'international, les différents secteurs d'activités et les groupes sociaux qui y évoluent.
L'usage distinctif de l'anglais Au-delà des fonctions sélectives que remplissent les compétences en anglais, sa maîtrise à un excellent niveau opère également comme un signal distinctif, du fait de sa rareté d'abord, mais aussi par les pratiques et les imaginaires auxquelles elle est associée. La langue renvoie en effet à un ensemble de signes culturels distinctifs et vecteurs d'entre-soi.
Les stratégies éducatives des familles dotées en capitaux n'ont ainsi pas que des avantages en termes de compétences linguistiques pour les compétitions scolaires et professionnelles. Elles sont aussi distinctives parce qu'elles s'inscrivent dans tout un style de vie. Au-delà de l'usage de la langue, ce sont en effet aussi les « choses anglaises » (habillement, manières d'être, sociabilités, etc.) qui sont désirées dans certaines familles bourgeoises8. Le style anglais, parce qu'il est prisé de longue date par la bourgeoisie établie ou l'aristocratie, peut être mobilisé dans l'espoir d'un ennoblissement partiel des fractions de classe économiques à mesure qu'elles s'établissent dans la bourgeoisie. Les articles du dossier éclairent ainsi, pour la période contemporaine, la différenciation sociale des usages de l'anglais en donnant à voir, en sus de l'apprentissage de la langue, la transmission de dispositions cosmopolites et d'un capital international (pratiques de mobilité, capital social et pratiques culturelles internationales).
Comme le montre Caroline Bertron, le souhait de s'affilier aux élites internationalisées est au principe de l'inscription des enfants dans les pensionnats suisses anglophones, en sus de l'apprentissage de l'anglais, que certains enfants peinent d'ailleurs à apprendre : certaines conditions sociales de félicité doivent être réunies pour que l'incorporation linguistique opère. Le développement de sociabilités transnationales de même que l'acquisition de diplômes étrangers (notamment l'International Baccalaureate) ont vocation à servir de passeport pour la bourgeoisie cosmopolite. Les articles de Lorraine Bozouls, d'une part, et de Martine Court et Joël Laillier, d'autre part, soulignent la valeur symbolique des choses anglaises et de la langue anglaise dans la bourgeoisie établie : elles renvoient à une certaine conception du raffinement social, dans le logement, l'alimentation et l'habillement notamment. Revendiquer cette attirance et cette familiarité depuis la France permet ainsi de montrer que l'on maîtrise plus que la langue, en inclinant d'emblée les enfants à adopter un style de vie international dans son versant le plus distinctif, c'est-à-dire anglosaxon. S'assurer les services de domestiques ou d'employé·es du service hôtelier parlant anglais permet, de la même manière, de choisir du personnel socialement distinctif, comme le montre Alizée Delpierre. En retour, l'ascension professionnelle de ce personnel passe par une maîtrise linguistique qui peut d'ailleurs créer des aspirations à un style de vie international plus proche de celui de la clientèle, ce que repèrent Amélie Beaumont et Thibaut Menoux.
Cette socialisation précoce à l'anglais dans la fraction internationalisée des familles des classes supérieures exerce ensuite des effets dans les cours d'anglais. Les articles d'Anne-Catherine Wagner sur les MBA, d'Ugo Lozach sur les IEP, et d'Adrien Delespierre sur les écoles d'ingénieurs soulignent de façon remarquablement convergente la position très ambivalente des enseignements d'anglais dans ces formes scolaires. Ils sont souvent dévalorisés par les étudiant·es malgré l'importance accordée à l'internationalisation, tandis que les enseignant·es d'anglais sont jugé·es principalement à l'aune de leur accent et de leur qualité linguistique : un nombre croissant d'étudiant·es très tôt socialisé·es à la langue anglaise la juge finalement inférieure à la leur, dévalorisant dans ce mouvement à la fois les enseignant·es et leurs cours.
Au-delà de la maîtrise de la langue, la distinction par l'anglais joue encore dans les mobilités permises par les écoles auxquelles appartiennent les étudiant·es. Un simple séjour dans un pays anglophone n'est plus à lui seul distinctif : c'est le prestige de l'institution où il est effectué qui apparaît décisif. L'obtention de partenariats avec ces institutions anglophones, notamment celles de l'Ivy League et d'« Oxbridge », constituent alors un autre aspect de la compétition entre grandes écoles, comme le montre Adrien Delespierre9. Pour être pleinement efficace, la compétence linguistique doit en effet être associée à d'autres ressources. En esquissant un espace de l'internationalisation de l'enseignement secondaire et supérieur, le dossier souligne bien le rôle que jouent l'offre et la demande de formes scolaires internationalisées distinctives dans les recompositions contemporaines des écarts symboliques entre les groupes sociaux.
L'article de Pierre Fray et Frédéric Lebaron, par une étude de cas portant sur l'économie, permet de réfléchir à l'accumulation symbolique distinctive permise par le recours à la langue transnationale dominante (l'anglais). Ils montrent que l'imposition du monolinguisme anglophone au sein de l'économie comme discipline scientifique et comme formation de l'enseignement supérieur s'apparente à une révolution symbolique. Les compétences en anglais de quelques économistes initialement marginaux leur permettent des mobilités professionnelles aux États-Unis dans les années 1950 qui les intègrent aux débats et aux manières étatsuniennes de faire science. Cette ressource linguistique et scientifique distinctive permet progressivement, à cette génération mais surtout à celle qu'elle forme, d'imposer en France ces nouvelles manières de penser la discipline et transforment durablement le champ de l'économie. Le pôle dominant au sein de l'économie est aujourd'hui doté d'un capital scientifique10 international dont l'accumulation et l'universalisation reposent sur une combinaison linguistique particulière : celle du langage mathématique et de la langue anglaise.
Ce panorama des usages distinctifs de l'anglais met en évidence ce que peut véhiculer la maîtrise d'une langue quand elle est utilisée dans des groupes sociaux qui y sont sensibles, en intensifiant la rentabilité des capitaux détenus. Ces effets multiplicateurs apparaissent d'autant mieux grâce aux deux derniers articles du numéro, qui offrent des contrepoints particulièrement éclairants. Frédéric Rasera et Manuel Schotté montrent ainsi que l'anglais n'est pas un prérequis aux carrières internationales des joueurs de football : c'est la langue nationale de chaque club qui prévaut dans les échanges quotidiens, et cela malgré la multiplicité des nationalités en présence. Cette règle amène les joueurs aux carrières internationales à apprendre des langues variées (allemand, espagnol, italien, etc.) au gré de leurs placements. Mais, du fait du stigmate social associé à ces jeunes hommes principalement issus de milieux populaires (et souvent racisés) et de la moindre valeur sociale des autres langues maîtrisées, ces savoirs linguistiques bien réels sont disqualifiés. Alexis Ogor montre quant à lui, à partir d'une enquête sur les étudiant·es inscrit·es en licence d'arabe à l'Inalco, que les usages sociaux de cette langue rarement enseignée et négativement connotée en France sont bien plus ambivalents et surtout bien plus difficilement reconvertibles en profits symboliques et économiques que dans le cas de l'anglais. La maîtrise de l'arabe dialectal (parlé), celui utilisé par la plupart des arabophones en France, n'est pas rentable dans le système d'enseignement valorisant une langue classique ou standard (écrite). Il distingue alors deux usages de la langue arabe (qui diffèrent de ceux de la langue anglaise), qui correspondent à deux types de trajectoires : d'un côté, des enfants d'ascendance arabophone utilisent l'apprentissage de l'arabe pour renouer avec leur « culture d'origine », tandis que des enfants issus des classes supérieures sans lien préalable avec la langue, voient dans l'arabe un outil pour accéder à des postes dans les relations internationales. Ce sont ces étudiant·es les plus doté·es socialement, in fine, qui ont le plus de chances de faire fructifier la maîtrise de la langue arabe en la traduisant en position sociale. Ainsi, ces contrepoints au dossier incitent à ouvrir des chantiers sur les autres langues que l'anglais et invitent à toujours spécifier les profits afférents aux usages des langues selon les contextes et les propriétés sociales des locuteurs et locutrices.
L'anglais porteur d'une vision du monde économique et politique De façon inconsciente ou revendiquée, l'usage de l'anglais dans des contextes sociaux singuliers véhicule des visions du monde, loin d'être neutres socialement et politiquement. Des conceptions professionnelles, économiques, éducatives, politiques, des manières de converser ou de conceptualiser les débats accompagnent les usages de l'anglais du fait des filières par lesquelles la langue est importée, au sein des familles, des formations ou des mondes professionnels. Les travaux empiriques réunis dans ce dossier mettent notamment en évidence l'association fréquente de la langue anglaise à la valorisation capitaliste des échanges commerciaux et de l'esprit d'entreprise, au détriment du point de vue des travailleurs, et son affiliation privilégiée à des conceptions politiques libérales des sociétés anglo-saxonnes.
La longue association historique de l'anglais au commerce avec la Grande-Bretagne puis de façon croissante à partir de la fin du dix-neuvième siècle avec les États-Unis, qui teintent la langue anglo-américaine des valeurs du « self-made man » et de l'entreprise, son statut central pour les négociants de l'époque moderne puis dans le monde commercial contemporain, expliquent la forte affinité contemporaine de l'anglais (notamment de l'anglais américain) et de l'ethos commercial. On en trouve des traces dans l'article d'Isabel Boni-Le Goff, qui décortique les multiples significations que revêtent les emprunts lexicaux à la langue anglaise dans l'univers du consulting où elle constate, d'une façon générale, comment la langue anglaise est valorisée en ce qu'elle renvoie au sérieux entrepreneurial11. Les consultant·es ont ainsi recours au franglish quotidiennement, à la fois comme preuve de l'expertise des professionnel·les face à leurs client·es et comme langage d'initié·es dans les coulisses de la production de cette expertise. La langue véhicule ce faisant une manière d'envisager les rapports sociaux, le recours à l'anglais permettant souvent d'euphémiser la violence de certaines pratiques managériales comme les plans de licenciement, en les mettant à distance par le voile d'une langue seconde. La vision spécifique des affaires portée par l'anglais dans les écoles de commerce par lesquels beaucoup de consultant·es sont passé·es n'y est sans doute pas pour rien. Anne-Catherine Wagner souligne ainsi dans son article sur les MBA que l'agency theory et la philosophie néolibérale de l'école de Chicago se diffusent dans les écoles de commerce par le biais des sciences de gestion, légitimées par des instances de consécration savantes internationales où l'anglais domine sans partage. Dans leur article sur l'usage de l'anglais chez les économistes, Pierre Fray et Frédéric Lebaron montrent, dans une veine proche, qu'un ensemble de manières de faire ou de penser transite dans la soute de ce monolinguisme : par exemple, la mathématisation et le recours à l'anglais, comme linguae francae, entraînent une standardisation de l'espace des problèmes économiques et des normes d'écriture qui favorisent un désencastrement des faits économiques par rapport aux configurations sociales.
Ce sont aussi des conceptions politiques qui sont importées avec la langue anglaise. Rachel Vanneuville a montré combien le modèle de la gentry anglaise a inspiré les classes dominantes françaises à la recherche d'un nouveau modèle libéral de concorde sociale après la Commune12Â : la référence anglaise est décisive dans la conception de l'École libre des sciences politiques, ancêtre des Instituts d'études politiques. Ugo Lozach indique, pour la période actuelle, que le type d'anglais et les domaines d'expertise aujourd'hui nécessaires pour réussir le concours de Science Po, à savoir l'anglais journalistique du Guardian et du New York Times et l'actualité politique du Royaume-Uni et des États-Unis, charrient des points de vue politiques sur le monde qui sont ignorés comme tels. L'article de Lorraine Bozouls, pour sa part, témoigne de la prégnance de la valorisation, par les familles du pôle privé auprès de qui elle enquête, des représentations - qualifiées d'anglo-saxonnes - sur l'éducation, l'économie ou la politique, ce qui révèle une affinité éthique pour le modèle libéral dont les sociétés étatsunienne ou britannique sont perçues comme des exemples aboutis.
Comment qualifier la ressource que constitue l'anglais?
Sans trancher, le dossier fournit des éléments pour enrichir la réflexion sur la façon de désigner la ressource que constitue la langue anglaise. Faut-il parler de capital international, de capital culturel, de composante cosmopolite du capital culturel, de coefficient international ou de formes internationalisées des capitaux ?
Pour qualifier ce type de capital plus souvent accumulé par les fractions économiques, on peut réfléchir en termes de « capital international », comme le propose notamment Anne-Catherine Wagner13. Depuis une vingtaine d'années, les langues transnationales (et particulièrement l'anglais) sont présentes explicitement ou en filigrane dans un certain nombre de travaux autour des usages des biens internationaux, de la scolarisation ou de la transmission d'un capital international. Le terme de capital international désigne alors un ensemble de relations sociales internationales, de ressources, de titres et de compétences (linguistiques notamment), que l'on peut trouver sous ses trois « états » dans différents groupes sociaux.
La forte association de la valorisation de l'anglais au pôle économique de l'espace social fait en effet hésiter à utiliser le terme de capital culturel ; néanmoins, la langue anglaise est bien transmise comme forme du capital culturel à la fois incorporé et institutionnalisé (c'est-à-dire intégré à une forme scolaire), même si la définition y compris scolaire de l'anglais garde la trace des luttes menées par les fractions économiques pour façonner le système d'enseignement à leur avantage, comme le rappelle Marie-Pierre Pouly dans ce dossier. Vaut-il mieux alors parler de « composante cosmopolite du capital culturel », suivant l'exhortation d'Érik Neveu à ne pas « marcotter » les capitaux14 ?
Travailler aujourd'hui sur les dispositions cosmopolites et particulièrement les dispositions linguistiques transnationales contribue en tout cas aux discussions contemporaines sur les recompositions du capital culturel. La période actuelle est caractérisée par la diminution du poids des emplois publics et la professionnalisation du système d'enseignement, au sein duquel les hiérarchies se redessinent, comme, en parallèle, se transforme le marché du travail. On peut, de ce fait, émettre l'hypothèse que la façon dont le système d'enseignement parvenait à imposer et reproduire une culture légitime classique se transforme et donc que le capital culturel (ce qui fait capital d'un point de vue culturel et ce qui est certifié par les institutions culturelles/scolaires) se recompose. Le capital culturel classique (lettré) devient moins rentable et moins facilement convertible en position sociale tandis qu'apparaissent de nouvelles formes du capital culturel, plus rentables scolairement : les ressources linguistiques en font partie, de même qu'une forme culturelle s'appuyant sur l'informatique et les technologies de la communication. Ces nouvelles formes de capital culturel déclassent la culture humaniste ou littéraire classique, même si cette dernière peut continuer à être utilisée, du fait de son ésotérisme, pour établir des barrières scolaires, en apprenant le latin ou l'allemand par exemple15.
Le cosmopolitisme culturel d'une fraction des élites s'oppose d'un côté à la mobilité forcée des migrant·es des pays pauvres (bras masculins de l'appareil de production industriel ou femmes aux affects exploités et dos cassés de la global care chain16) dont les ressources linguistiques, à l'instar de celles des footballeurs étudiés dans ce dossier par Frédéric Rasera et Manuel Schotté, ne font pas capital. Ce cosmopolitisme des classes supérieures s'oppose aussi, d'un autre côté, à la défiance d'une fraction des classes populaires envers ce cosmopolitisme17 et au goût d'autres fractions intermédiaires pour les langues qui peuvent être utilisées dans des stratégies d'ascension et dont les classes dominantes peuvent tenter de se distinguer. Ces oppositions sociales et culturelles se retraduisent alors dans un champ politique également clivé par la question du rapport au national ou à l'international. Comme le rappellent de façon nécessaire les travaux de Cédric Hugrée, Étienne Pénissat et Alexis Spire, c'est dans les milieux populaires, à l'échelle de l'Europe, que la présence des étrangers est la plus élevée. « À la différence des classes supérieures, pourtant si promptes à mettre en avant la mobilité transnationale et la tolérance aux autres, les classes populaires sont dans les faits beaucoup plus métissées et mélangées que tous les autres groupes sociaux », mais la mise en concurrence sur le marché du travail explique cette défiance, de même que la distinction culturelle, et donc la violence symbolique, que les formes culturellement légitimes du cosmopolitisme et la maîtrise des langues transnationales dominantes véhiculent18.
Finalement, la dimension internationale opère comme un coefficient symbolique positif -Â quand il s'agit de langues et nations dominantes - facilitant la monétisation des capitaux culturels, économiques, sociaux et symboliques et leur accumulation, ou comme un coefficient négatif - attaché aux langues de nations dominées ou à l'absence de maîtrise des langues transnationales - susceptible de dévaluer les capitaux ou faire obstacle à leur accumulation19.
Conclusion Matière scolaire et universitaire, pratique linguistique incorporée, mais aussi langue associée, par les groupes qui la pratiquent ou la valorisent, à un style de vie et à une vision du monde, l'anglais contribue à la (re)production des écarts entre les groupes sociaux et à la recomposition des formes de domination. Ce faisant, à travers l'association de ces formes internationalisées de capital (social, culturel, symbolique) à des modèles d'organisation économique et politique et aux transformations du capitalisme, c'est in fine tout un ordre symbolique et les mécanismes de son imposition que les articles étudient, en proposant des études de cas centrées tour à tour sur les styles de vie et les styles éducatifs des familles, sur le système d'enseignement, le champ scientifique et divers univers professionnels. -
Revue salariat n.2 : Dimensions politiques du salaire
Collectif
- Croquant
- Revue Salariat
- 11 Janvier 2024
- 9782365124089
Salariat #2Â :
Dimensions politiques du salaire Ce numéro de Salariat rassemble des contributions donnant à étudier salaire et salariat à la fois comme enjeux et comme terrains de luttes politiques. Enjeux de luttes, en analysant comment la revendication du salaire ou la réorganisation sous le régime du salariat percutent des activités qui en sont habituellement exclues à l'instar des médecins ou des travailleureuses du sexe. Terrains de luttes, en documentant des expériences originales de réorganisation de l'institution salariale, comme l'expérience historique d'une communauté de travail, ou des luttes qui se jouent dans les zones grises de « l'infra-emploi », du statut de parasubordonné·e aux plateformes de services à domicile. Penser les dimensions politiques du salaire c'est réfléchir à la relation dynamique unissant les formes du salaire et les frontières du salariat : quand l'inscription dans la réalité juridique du salariat participe de la reconnaissance sociale du travail ; quand la lutte pour faire reconnaître une rémunération comme du salaire fait entrer dans un régime de droits ; ou encore, quand le débat sur les formes de la rémunération pose la question du pouvoir sur la valeur économique. Ce faisant, ce numéro revient sur la tension intrinsèque qui fonde l'histoire du salaire et du salariat en articulant deux traditions de pensée, l'une partant de l'idée du salaire comme instrument de l'exploitation, l'autre revisitant le salaire comme support de l'émancipation.
Introduction « Au sein, au seuil et au-delà du salariat », par Jean-Luc Deshayes, Florence Ihaddadene, Maud Simonet, Daniel Véron, Claire Vivés et Karel Yon Notes et analyses « L'invention du salariat : le mot et l'objet », par François Vatin « Les épouses méritent-elles leur salaire ? La communauté de travail de Boimondau (1944-1946) », par Ana Carolina Coppola et Guillaume Gourgues « Les études, un travail à salarier ? La proposition de loi sur la rémunération étudiante (1951) », par Aurélien Casta « Médecins en centre de santé : salarié·es non-subordonné·es ? », par Lucas Joubert « Quand le salariat syndical déstabilise les militant·es », par Florence Ihaddadene et Karel Yon « Parasubordination et recompositions de la société salariale », par Mara Bisignano « Lutte de classe, féminismes et création. Le statut des artistes dans le grand bain des luttes salariales », par Aurélien Catin Arrêt sur image « Travailler au service de la flemme ? La marchandisation du ménage par les plateformes numériques », par Nicole Teke-Laurent Lectures et débats « Comment mener une grève féministe ? Apprendre de la lutte des CUTE », par Al Caudron « Une sociologie du travail salarié et ses frontières », par Jean-Pascal Higelé « Quand le salariat populaire se mobilise... », par Carole Yerochewski Brut « CATS - Comité autonome du travail du sexe », par Maud Simonet et Claire Vivés