« L'état est devenu l'instrument du renoncement, devant l'argent, face à la volonté toujours plus insistante des marchés financiers, des milliardaires qui détricotent notre industrie et jettent des millions d'hommes et de femmes de notre pays dans le chômage, la précarité et la misère. Oui, il faut en finir avec le règne de l'argent-roi. » C'est troublant, non ?, quand Marine Le Pen s'attaque « aux dogmes de l'ultra-libéralisme ».
Depuis quand, se demande François Ruffin, un peu embêté, depuis quand le Front national cause comme ça, un peu comme lui ? « état », « impôts », « service public », « entreprise », « Europe », « mondialisation », « inégalités », etc.
Qu'ont-ils en commun ? Qu'est-ce qui les sépare ?
Comment, par quelles étapes, le parti de Jean-Marie Le Pen, le « Reagan français » autoproclamé, défenseur des « pauvres actionnaires » dans les années 1980, adepte d'une « révolution fiscale » qui supprimerait l'impôt sur le revenu, pourfendeur de « l'état Kapo » et des « perversions de l'étatisme », s'est-il mué, avec sa fille, en son quasi-contraire ?
Qu'est-ce qui relève de l'imposture, ou du vernis social ? Qu'est-ce qui, à l'inverse, est profondément ancré dans le discours du FN ?
Qu'est-ce qui, dans ces changements, est permis par le nouvel ordre du monde, la chute de l'Union soviétique, les renoncements du Parti communiste ?
Pour y répondre, l'auteur a plongé dans quatre décennies de littérature frontiste, une espèce d'archéologie sur la « pensée économique et sociale » par un retour aux sources : les professions de foi et les tracts du FN depuis sa fondation. Une recherche menée sans hystérie ni complaisance.
François Ruffin est reporter pour l'émission Là-bas j'y suis sur France Inter. Il collabore au Monde diplomatique et anime le journal Fakir. Après sa critique d'un journalisme bien trop formaté à son goût, Petits soldats du journalisme (Les Arènes, 2003), Leur Grande Trouille est son deuxième essai (Les Liens qui Libèrent, 2011).