Mille orphelins : Dragan Bajuk Slator se meurt d'une maladie obscure qui lui ronge la chair. Abandonné et rejeté par les hommes, ce marin s'enferme dans la misanthropie et la solitude. Il marche maintenant depuis des jours, malgré son pied blessé, sur les routes d'Albanie, sa terre natale. Sur le chemin, à quelques pas à peine, un enfant ne cesse de le suivre. Qui est-il et pourquoi refuse-t-il de le laisser tranquille ? Progressivement, le petit révèle à Dragan Bajuk Slator son identité, il lui rappelle qu'il est cet enfant que sa mère l'avait chargé d'abandonner autrefois. Ce jour-là, l'orphelin avait prédit au marin que son châtiment serait de faire naître des fils et des filles de sa propre solitude. C'est alors qu'un choeur d'enfants apparaît et vient entourer le malade. Chacun se met à raconter de quelle solitude il est né. L'homme reconnaît peu à peu en chaque visage un instant de mélancolie et d'abandon, au bord d'un caniveau ou dans les bras d'une prostituée, lors de ses nombreuses escales. Escorté par les orphelins, le père rejoint les montagnes de ses premiers jours sur les hauts sommets de Saraq Vithkuq. Les enfants y préparent un bûcher pour le vieil homme et le mourant fait le récit de sa longue errance de par le monde. Il meurt seul, tandis que les mille orphelins s'éloignent.
Les Enfants Fleuve : Dans un pays lointain, une nuit, le prédicateur sent que le grand fleuve qui irrigue les terres environnantes veut lui parler. Il plonge alors dans les eaux limoneuses jusqu'à la taille, puis tout entier, et écoute. Ce qu'il entend est terrifiant. La rumeur qui gronde sous les eaux ne fait aucun doute : le fleuve est en crue. Immédiatement, le prédicateur retourne au village et tente de persuader les villageois de quitter leur maison. Seuls quelques-uns vont l'écouter. Une petite colonne monte dans les collines. Les autres regagnent leur couche. Ils ne se lèveront jamais. Dans la nuit, le fleuve déborde effectivement et noie tout le village. Le lendemain matin, les survivants reviennent sur les lieux. Il n'y a plus trace de vie. Tout a été recouvert d'une épaisse couche de boue. Anéantis, ils se livrent à des libations pour célébrer la mémoire de leur morts et injurier leurs dieux qui ne les ont sauvés de rien. C'est alors que le fleuve, à nouveau, se met à gronder. Il s'ouvre cette fois et les morts réapparaissent. Pendant quelques heures, défunts et survivants vont pouvoir partager la douceur d'être à nouveau ensemble. Pendant quelques heures, ils vont pouvoir se mêler les uns aux autres. De cette nuit volée à la mort, naîtront des enfants, «les enfants Fleuve». Ce sont eux dont résonne la voix, énigmatique, sans âge, eux qui chantent dans l'errance pour nous rappeler la fragilité de toute vie et l'urgence de la savourer.
Né en 1972, Laurent Gaudé a fait des études de lettres modernes et de théâtre. Il publie sa première pièce Onysos le furieux en 1997, à Théâtre Ouvert. Son premier roman, Cris, paraît en 2001. Avec La Mort du roi Tsongor, il obtient, en 2002, le prix Goncourt des lycéens et le prix des libraires. En 2004, il est lauréat du prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta, roman traduit dans trente-quatre pays. Romancier et dramaturge, Laurent Gaudé est également l'auteur de nouvelles et d'un album pour enfants. Il vit actuellement à Paris et se consacre entièrement à l'écriture. Toute son oeuvre est publiée aux éditions Actes Sud.